Dimanche 26 octobre 2008 par Ralph Gambihler

Guillaume Depardieu post mortem

Il y a ceux qui meurent à 35 ans, comme Mozart, comme Patrick Dewaere. Et ceux qui partent avec dans le compte-à- rebours deux ans de plus et une jambe en moins, comme Rimbaud et comme Guillaume Depardieu.

37 ans  et des poussières donc... J'y suis finalement allé seul et un peu en retard, à l' enterrement.  "Versailles" passait à 14h10, ce dimanche, au St-André des Arts, et "De la Guerre" à 16h30, pas très loin de là, au Racine Odéon. Je ne faisais pas partie des inconditionnels. J'avais raté ces deux films à leur sortie. Je pensais que le Guillaume, il faisait surtout la star chez Fogiel et qu'il n'avait pas très bien négocié ses choix cinématographiques.

C'était avant "Versailles"... Derrière la caméra, Pierre Scholler... C'est un film qui se passe souvent la nuit, au coin du feu, et on n'y voit que du soleil... Guillaume Depardieu incarne Damiens, un SDF forestier genre Jean Valjean dans sa prime jeunesse qui voit soudainement débarquer une Fantine dans les bois versaillais, juste à côté du Château... Elle lui abandonne sa Cosette, ou plutôt son Gavroche... Le gamin est à pleurer par terre, il parle très peu, et dans nos mémoires cinéphiles surgit subrepticement un autre gamin "historique" du cinéma français... Celui qu'avait magnifié Truffaut dans "L'Enfant sauvage"... Et puis il y a Guillaume Depardieu. On ne lui connaissait pas ce visage au coin du feu. Quelque chose de pur et de céleste inonde l'écran.  Le bonhomme est rude, colérique, et tellement chevaleresque en même temps face au môme... La scène où il le lave, avec une image presque surexposée, restera longtemps à l'esprit.

Et puis il y a bien sûr cette séquence d'anthologie où le personnage joué par Guillaume Depardieu manque de mourir de ce qui ressemble bien à une pneumonie. Mais le cinéma, ce n'est pas comme la vie. Au cinéma, on peut courir aussi vite, dans son coeur, que le gamin du film qui surgit carrément dans le Château de Versailles pour chercher secours... On aurait aimé que le dernier quart d'heure du film en préserve toute la puissance poétique, mais "Versailles" reste malgré tout l'un des grands coups de poing de l'année.

On sera plus bref sur le film de Bertrand Bonello. "De la Guerre" est une oeuvre opaque, mystérieuse, trop finement ciselée dans ses détails pour ne pas être un peu pesante dans sa globalité... Mathieu Almaric y joue un cinéaste un peu torturé qui après s'être enfermé dans un cercueil rejoint une sorte de secte qui l'amènera à revivre le trip de Martin Sheen dans "Apocalypse Now"... Sur le papier effectivement, mais aussi à l'écran, malheureusement, l' entreprise est un peu fragile. Guillaume Depardieu n'y joue qu'un second rôle, en l'occurrence l'ami qui recrute Amalric dans la secte. "Ne t'inquiète pas, je ne suis pas mort!", lui lance t-il à un moment du film... Autres plans fulgurants: l'acteur qui semble tournoyer sur lui-même avec une épée à la main, sans oublier son visage, comme une toile de peinture, lorsqu'il écoute "Memories", de Robert Wyatt.

Peut-être que si Guillaume Depardieu n'avait pas été le fils de qui on sait, je me serai aperçu de son vivant à quel point il pouvait trôner très haut dans l'art d'Hamlet... J'ai eu mes déceptions. J'ai vu Danton devenir Obélix, et Depardieu se transformer en "Gégé"... Le fils, lui, était bien parti pour devenir Guillaume, et seulement Guillaume, éternellement conquérant au royaume des artistes d'exception.

Guillaume Depardieu (7 avril 1971-13 octobre 2008)