Two Lovers
C’est une scène dont on pourrait penser qu’elle a déjà été faite mille fois : le personnage principal, incarné par Joaquin Phoenix, est au chevet de la femme qu'il aime. Elle dort, il ne lui a pas encore déclaré sa flamme. Profitant de son sommeil, il écrit alors, délicatement, avec son doigt, sur le bras de sa dulcinée, “I love you”…
Peut-être que c’est tout le talent de James Gray que de nous faire croire que c’ est la première fois qu’on la voit, cette scène, au cinéma. Il en va ainsi de “Two Lovers” dans son ensemble. L’histoire est archi convenue -celle d’un homme partagé entre deux femmes, l’une qui incarne l’amour raisonnable, l’autre la passion utopique- mais cette histoire, James Gray l’aborde en creux, en méandres... Il ne fonce pas dans les clichés, il surfe dessus. Il choisit une lumière en demi-teinte, une B.O. plutôt jazzy centrée sur le sublime “Lujon” de Henri Mancini, et avec un lyrisme en clair-obscur, tout en dénivelés, eh bien il nous donne autant la fièvre que dans ses polars les plus haletants (”Little Odessa”,"La Nuit nous appartient " )...
Dans “Two Lovers”, L’amour se déclare et se fait sous l’emprise d’un vent crépusculaire, sur un toit d’immeuble à Brooklyn. Et à-ce-propos, c’est avec un tact admirable que le cinéaste donne à voir le milieu dans lequel vivote le personnage principal, à savoir le quotidien d’une famille juive new-yorkaise avec dans le rôle de la mère une magnifique Isabella Rossellini qui évite tous les clichés de ce genre de personnage.
Le seul bémol résidera peut-être dans le reste du casting. Joaquin Phoenix apparaît parfois un peu trop pataud pour qu’on s’identifie à ses tourments, et on a surtout du mal à comprendre pour quelle raison il semble préférer sa voisine blonde un peu inintéressante et incarnée au passage par une comédienne qui nourrit surtout les pages people alors que son autre amoureuse, celle qui, dans le film, est censée être trop raisonnable, trop ennuyeuse, prend au contraire les traits subtils et 100% glamour d’une révélation à l'écran, Vinessa Shaw... Mais peut-être qu’après tout, c'est cette maladresse dans la distribution des rôles qui renforce le côté ailleurs et décalé du film, ainsi que le parfum toujours entêtant qu’il continue à avoir dans notre mémoire, alors que la projection de presse date déjà de plusieurs semaines.
Two Lovers, de James Gray (sortie en salles le 19 novembre)