Vendredi 13 février 2009 par Ralph Gambihler

Un pays à l'aube

América, América... Avec " Un pays à l'aube ", Dennis Lehane, l'auteur de " Mystic River " et " Shutter Island ", nous embarque dans l'un des romans américains les plus étourdissants de ces dernières années... Etourdissant comme cette Amérique au bord des années 20 encore à l'état de poudrière.

1918-1919: les soldats de la 1ère guerre mondiale ramènent avec eux la grippe espagnole, les anarchistes italiens sèment la terreur, les groupuscules bolcheviques rêvent de Palais d'Hiver en plein coeur de Boston... Boston où même la flicaille locale ose se mettre en grève... C'est dans cette aurore qui gronde de partout et qui ne s'aventure pas encore à swinguer au rythme de la Prohibition et des Roaring Twenties que Dennis Lehane crée des personnages désenchantés et unanimement passionnants dans leur rapport, plus ou moins distant, avec les traumatismes de la période: Luther, l'ouvrier noir qui tente d'oublier à Boston le racisme ordinaire et les bas-fonds de l'Ohio, Danny, le policier irlandais assoiffé de justice mais irrémédiablement condamné à être dans le "mauvais camp", ou encore Babe Ruth, le joueur de base-ball qui ne comprend rien à rien à ce que devient son pays...

Autour de ces trois là gravitent d'autres silhouettes inoubliables, comme Nora, la domestique au passé sombre mais qui incarne déjà l'émancipation féministe, sans oublier le vice incarné en la personne d' Eddie McKenna, un vrai sale flic aussi coriace que le Javert des Misérables mais avec la crapulerie en  supplément d'âme... On croise aussi dans " Un pays à l'aube " Edgar J. Hoover qui fait ses premiers pas dans ce qui deviendra plus tard le FBI, ainsi que John Reed, le leader du Parti communiste américain dont Warren Beatty devait s'inspirer dans "Reds"...

Ce sont bien mille et une histoires de la grande histoire américaine qui s'emballent, ici, appuyées sur une charpente narrative qui ne souffre aucun temps mort... Et comme souvent dans les très beaux livres, on pense à de très beaux  films... " Ragtime ", de Milos Forman... " Gangs of New-York ", de Martin Scorsese... Et puis Clint Eastwood bien sûr, dans cette ardeur à aimer l'Amérique en pointant ses failles, ses trous noirs et  ses désordres intérieurs tout en donnant le dernier mot à ce qu'il y a de plus intègre et de plus épique dans les tréfonds de ce grand peuple qui n'a pas fini de nous étonner...

Un pays à l'aube, Dennis Lehane (Editions Thriller/Rivages) ... Coup de projecteur le 19 février avec François Guérif, l'éditeur de Dennis Lehane (8h30, 11h30, 16h30)