Vendredi 27 février 2009 par Ralph Gambihler

Harvey Milk

Le cinéma de Gus Van Sant nous semblait ces derniers temps extraordinairement bien balisé: circonvolutions aériennes, ondulations hypnotiques, indéniable poésie du regard sur une certaine jeunesse américaine... Qui d'autre que le réalisateur d' " Elephant " et " Paranoïd Park " a su à ce point arpenter un territoire relativement peu fréquenté dans le paysage cinématographique contemporain...

"Harvey Milk" constitue, à cet égard, une bifurcation qui laisse un peu perplexe... Voilà donc que Gus Van Sant verse maintenant dans le biopic... Il en avait repoussé les carcans lorsqu'il avait accompagné la descente aux enfers de Kurt Cobain dans "Last Days"; il en épouse les limites pour montrer son empathie avec Harvey Milk, ce conseiller municipal de San Francisco devenu l'un des leaders du mouvement gay à une époque où l'orientation sexuelle de tel ou tel vous exposait encore aux pires brimades...

Harvey Milk meurt assassiné en novembre 1978 par l'un de ses collègues municipaux, un psychorigide parano et ultra coincé... On comprend aisément la montée d'adrénaline militante qui a du transporter Gus Van Sant dans la mise en images de ce destin tragique. Assumer ses choix personnels uniquement en termes esthétiques peut effectivement être source de frustrations. Et pourtant, disons-le franchement: des films comme "Elephant" et "Paranoïd Park" nous paraissaient beaucoup plus fulgurants en matière de cinéma gay que l'académisme, la bonne conscience, et une certaine forme d'ennui (surtout dans la première heure du film) auxquels "Harvey Milk" ne résiste guère...

Gus Van Sant n'a rien perdu, certes, dans son art de la mise en scène. Servi par un Sean Penn irréprochable et toujours plus étonnant, il sait parfaitement faire monter la tension dans l'approche du dénouement sanglant, et il est difficile de ne pas être ému aux larmes par l'ultime séquence du défilé aux bougies, après la mort d'Harvey Milk... Seulement voilà: il faut justement attendre ce dernier plan pour véritablement entrer dans un film dont on à peine à croire, à priori, qu'il saura séduire un large public malgré ses "slogans" généreux et son message universel.

Harvey Milk, de Gus Van Sant (Sortie en salles le 4 mars) Coup de projecteur le même jour avec Sean Penn (8h30, 11h30, 16h30)