Une famille brésilienne
Elle est à nouveau enceinte. Quatre enfants, déjà... Quatre pères différents évanouis on ne sait où, dans la jungle urbaine de Sâo Paulo, et la voilà prête à donner encore la vie, tout en s'épuisant dans son boulot de femme de ménage... On n'oubliera pas de sitôt l'énergie, l'âpreté et les galères étouffées de Cleuza, l'héroïne de "Une Famille brésilienne", le nouveau film de Walter Salles (co-réalisé avec Daniela Thomas)... On n'oubliera pas, surtout, les destins entrelacés de ces quatre fils, dont la façon de se réinventer, tout au long du film, dessine un portrait à la fois éclaté et passionnant du Brésil contemporain.
Le réalisateur de "Carnets de voyage " a donc resserré sa caméra, cette fois-ci, sur une seule ville, Sâo Paulo, dont le dossier de presse du film nous indique qu'elle concentre à elle seule 200 km d'embouteillages et 300 000 coursiers... L'aîné de Cleuza, justement, fait partie de ses jeunes prolétaires à moto qui sillonnent la mégapole en accéléré, comme pour mieux survoler ses transes et ses transhumances, ce qui ne l'empêchera pas, à un moment du film, de franchir la ligne rouge de la marginalité, peut-être parce qu'il ne croit plus en grand chose.
Les autres frangins, eux, ont gardé au contraire leur part de croyance, même si le plus jeune n'a toujours pas trouvé son père chauffeur, qu'il traque d'autobus en autobus... Même si les deux autres tombent de désillusion en désillusion, entre les terrains de football où à 18 ans on est déjà trop vieux, et les églises pentecôtistes aux miracles factices... Cette odyssée des quatre frères, il fallait évidemment lui trouver une forme infiniment fraternelle pour qu'elle passe la rampe cinématographique.
Contrat largement rempli, grâce notamment à une formidable distribution ancrée sur des comédiens non professionnels... Walter Salles les suit à la trace, tout en douceur, tout en pudeur, sans misérabilisme, à la limite du docu-fiction mais en même temps avec un vrai sens du romanesque, dans la mesure où chacun des caractères nous touche aussi profondément et avec la même tendresse qu'une chanson de Jobim...
Une Famille brésilienne, de Walter Salles et Daniela Thomas (Sortie en salles le 18 mars)