Mercredi 18 mars 2009 par Ralph Gambihler

La Brève et merveilleuse vie d'Oscar Wao

Des mots comme des confettis, un personnage ENORME dans tous les sens du terme, et le parfum entêtant de ces îles caribéennes qui grouillent de vie derrière leur vernis de carte postale... Voilà en quelques mots tout ce qui fait la saveur de "La Brève et merveilleuse vie d'Oscar Wao", un roman explosif et déjanté signé Junot Diaz, né en 1968 à St-Domingue et exilé dans le New Jersey, exactement comme l'anti-héros qu'il a imaginé et qui lui a valu le prix Pulitzer 2008.

Oscar Wao, donc... Malheureuse créature guère destinée, à priori, à devenir un personnage de roman. On aurait plutôt envie de le fuir, comme lecteur, ce jeune obèse à lunettes dévoré par ses bandes dessinées et ses feuilletons de série Z, et dont la libido tourne à vide malgré des efforts constants pour trouver l'âme soeur... Eh bien Junot Diaz ne s'est pas laissé démonter par  la médiocrité apparente d'Oscar. Il l'a au contraire immergée dans une épopée extraordinaire centrée sur le " fuku ", cette malédiction qui poursuit les Dominicains depuis la nuit des temps.

Et l'on découvre qu'Oscar n'est pas le seul à en avoir bavé, surtout à l'époque de Trujillo, ce dictateur libidineux qui prenait la République dominicaine pour un lupanar... Le puzzle familial se reconstitue dés lors peu à peu autour d'Oscar, le roman prenant une forme de plus en plus " boulimique " à la mesure du fléau physique dont le malheureux cherche à se débarrasser. Mais on ne se débarrasse pas de sa famille et de ses origines, et encore moins des tragédies passées, y compris lorsque Junot Diaz les réinvestit avec une étrange joyeuseté dans la plume.

Même dans le cauchemar, et dans la belle lignée de ce que la littérature latino peut avoir de plus luxuriant, la dimension du conte est préservée, à l'image de ces apparitions (une mangouste, un homme sans visage...) auxquelles les personnages font face dans des situations particulièrement délicates... Oscar sera-t-il jusqu'au bout poursuivi par la poisse ? Les super pouvoirs dont il a nourri ses fantasmes lui seront-ils d'une quelconque efficacité dans le monde finalement bien dégueulasse qui l'entoure? Junot Diaz, heureusement, a trop de fantaisie dans l'âme pour donner une réponse fade ou glauque à ces questions, et il n'est pas non plus du genre à s'en tirer par des pirouettes extravagantes.

Résultat: Oscar est bien un personnage de roman. L'auteur l' a rendu formidablement riche, attachant, plus complexe qu' il n'y parait, et c'est avec le même entrain qu'on plonge dans le grand mix linguistique d'un récit qui swingue à toute berzingue entre verlan, argot " négropolitain ", slang et spanglish... La littérature de salon y perdra sûrement son latin.. Les amateurs de tropiques et de tourbillon, quant à eux, auront d'abord le réflexe rhum coco pour trinquer au succès de ce roman enivrant à bien des égards.

La Brève et merveilleuse vie d'Oscar Wao", de Junot Diaz (Editions Plon). Coup de projecteur avec la traductrice du roman, Laurence Viallet, ce jeudi 19 mars à 8h30, 11h30 et 16H30