Etreintes brisées
C'est sans doute ce qui peut arriver de pire à un cinéaste: imaginer un autre à sa place, sur le même scénario... Quand on découvre "Etreintes brisées ", le nouveau film de Pedro Almodovar, on pense à ce qu'en aurait fait François Truffaut... Le réalisateur de "La Nuit américaine " aurait certainement été moins maniériste, moins fétichiste, moins tortueux dans la démarche...
Il aurait sans complexe élagué les ramifications bien compliquées du scénario. Il se serait concentré sur l'essentiel, à savoir l'amour fou entre un cinéaste et son actrice, sur un plateau de tournage où rode un producteur possessif qui entend espionner sa dulcinée en commandant un making-off du film... L'homme de la Movida, lui, n'a pas su capter l'essentiel... Piégé par une intrigue à tiroirs, il veut dire trop de choses à la fois, en n'oubliant pas de s'auto-citer jusqu'à développer une nouvelle fois l'argument de l'un de ses films les plus célèbres, "Femmes au bord de la crise de nerfs "...
A vrai dire, c'est plutôt nous qui sommes sur les nerfs face à ce qui s'apparente à un réel gâchis cinématographique... Certains vont évidemment s'extasier sur cette "formidable déclaration d'amour au cinéma "... D'autres vont s'enchanter au vu de toutes les références au film noir et au grand mélo américain... On peut aussi s'attendre à des roucoulades diverses et variées sur le jeu des couleurs, et surtout sur l'irradiante Pénélope Cruz... C'est vrai qu'elle est à croquer dans le film. Mais fallait-il pour autant l'affubler d'une coupe à la Audrey Hepburn pour nous en mettre plein la vue ?
"Etreintes brisées", de Pedro Almodovar (Sorie le 20 mai)