D'un jour à l'autre (Coffret Eddy Louiss)
Eddy Louiss est hors catégorie. Le coffret "D'un jour à l'autre " qui vient de sortir sur le label Tempo111 à l'initiative son fils, Pierre, en est une magistrale démonstration. Inimitable et surtout n'imitant personne, l'organiste s'y révèle comme l'un des premiers grands groovers de la scène hexagonale. C'est d'abord le CD "Histoire sans parole " qui retient l'attention... Enregistré un peu à la bohème, d'abord dans un camion-studio, puis au studio 2000 de la rue de Clignancourt au milieu des années 70, le disque n'était encore jamais sorti en CD. Dans les notes de livret, le producteur de l'album, Gaétan Hervé-Dupenher, souligne à quel point "Histoire sans parole " est entré en résonnance avec les sonorités africaines tout en s'affichant ouvertement "cross over"...
"Canon " fut un tube dans toute l'Afrique de l'Ouest, et on ne se lasse pas de réentendre ces deux climax zodiacaux que sont "Sagittaire" et"Capricorne ". Dans ce dernier morceau, Eddy Louiss, soudainement infidèle à son instrument de prédilection, développe un jeu lyrique à la trompette qui prouve qu'il a plus d'une corde à son arc (n'oublions pas que son père fut trompettiste)... Les autres trésors du coffret nous ramènent aux années 80 et 90...
Avec "Sang Mêlé " et "Wébé ", Eddy Louiss va plus loin dans les synthés et les nouvelles technologies, mais sa musique reste imprégnée d'une indéniable humanité. Paco Sery à la batterie et Dominique Pifarely au violon métissent encore d'avantage un univers déjà bien bariolé à souhait... Quoi de commun entre le langoureux "Espanol " et le pétillant "P'tit Bill au pays de Lauzanette " ? Poser la question, c'est affronter plein pot l'énigme Eddy Louiss, globe-trotter d'une musique sans visa qui gambade joyeusement du swing à la biguine en passant par le blues et le funk...
L'aventure de la "multicolor feeling fanfare " permet peut-être de mieux cerner le personnage. L'enregistrement studio et le concert live à Banlieues Bleues donnent à entendre une véritable joie collective et démocratique... Avec des musicos de calibre (Galliano, Daniel Huck...) mais aussi des dentistes, des directeurs d'école, et plein d'autres anonymes, Eddy Louiss ouvre la porte à une orgie de cuivres, de rythmes et de couleurs, notamment sur un morceau comme "Come on DH "... C'est dans ce paradigme de la fête et du rassemblement qu'Eddy Louiss est profondément jazz, à la "démesure" de ces expériences passées avec Stan Getz, Kenny Clarke ou encore Michel Petrucciani.
Coffret Edddy Louis, "D'un jour à l'autre " (Tempo 111)... A écouter, également, le 20h de TSF diffusé le jeudi 25 juin et accessible en podcast.