Un roman français
"Je sais ce que vont penser certains lecteurs: Marie-Chantal fait de la garde à vue chez Marie-Antoinette !"... Tout est dit, ou presque, dans cet aveu-éclair concédé à la page 218... Frédéric Beigbeder a fait de la prison, et il en fait un livre. Interpellé début 2008 dans les quartiers chics de Paris alors qu'il sniffait de la cocaïne sur un capot de voiture, l'écrivain que toute la jet set s'arrache est resté sous les verrous un petit peu plus longtemps que prévu. Il a même été transféré au Dépôt de police de l'île de la Cité dont, après tant d'autres, il a découvert les conditions de détention infâmantes.
L'expérience à elle seule avait-elle assez de vertus littéraires ou éditoriales? Le lecteur pourra en douter. Il est vrai que l'auteur s'est finalement autocensuré à la demande de son éditeur, de manière à ne pas encourir un procès en diffamation de la part d'un procureur à l'encontre duquel il avait la plume bien acérée...
Il est vrai aussi que Frédéric Beigbeder a cru bon de greffer à son récit une méditation autobiographique sous le prétexte que la prison lui aurait spontanément ravivé la mémoire. Trop voyant, l'artifice romanesque... D'autant plus que l' adolescence protégée et les tourments freudiens de l'auteur renvoient plus à de banales mélancolies bourgeoises qu'à la confession réellement douloureuse d'un enfant du siècle. L'art de la tournure, dont Frédéric Beigbeder n'est guère dépourvu, fait en sorte évidemment que ce "Roman français " est loin d'être la lecture la plus désagréable de la rentrée... En faire, en revanche, un futur prix Goncourt, serait un sérieux motif d'étonnement.
Un roman français, de Frédéric Beigbeder (Grasset)