Mardi 12 octobre 2010 par Ralph Gambihler

Biutiful

Plongé dans les bas-fonds de Barcelone, le spectateur suit les traces d'un maudit parmi les maudits campé avec abnégation par Javier Bardem : son père est mort exilé, son frère n'est vraiment pas un type fiable, son épouse est dépressive et son docteur n'a vraiment aucun tact lorsqu'il s'agit de lui diagnostiquer un cancer de la prostate... Pour couronner le tout, les immigrés clandestins chinois ou africains qui permettent à notre homme de subvenir à ses besoins au gré de trafics plus ou moins fructueux n'en font qu'à leur tête, jusqu'à finir très mal d'ailleurs pour certains d'entre eux.

L'addition, on l'aura compris, est copieuse et aux antipodes de cet intérêt qu'Alejandro Gonzales Iñarritu cultivait autrefois pour le poids de l'âme que chacun est sensé perdre au moment de la mort... Il en avait tiré son plus beau film, "21 grammes", avec Sean Penn et Naomi Watts. L'âme s'est un peu surchargée depuis, jusqu'à en faire des tonnes, comme si le fait de s'être délesté de son scénariste habituel avait paradoxalement alourdi le propos du réalisateur mexicain d' "Amours Chiennes " et "Babel"...

Résultat: le film lance plein de pistes, plein de thèmes, sans réellement les creuser, et on se surprend à se désintéresser complètement du catalogue de malheurs dont il est fait état durant près de 2h20. La déception est d'autant plus immense qu'elle n'est pas totale. Car à côté de l'impuissance du scénario, il y a encore une fois chez Inarritu la puissance de la mise en scène, cette fièvre incroyable qui donne à sa caméra mille et une pulsations, cette magie qui suinte de partout lorsque le personnage parle avec les morts, et puis aussi cette faculté à avoir les yeux constamment ouverts sur le monde jusqu'à entrer en profonde résonance avec des combats plus que jamais nécessaires... On aimerait y voir la matrice d'un futur chef-d'oeuvre...

"Biutiful", d'Alejandro Gonzales Iñarritu (Sortie en salles le 20 octobre)