Blake Edwards et le cinéma "champagne"...
Arthur Penn, Blake Edwards... En quelques mois à peine, le grand, le très grand cinéma américain perd deux de ses figures les plus attachantes. Blake Edwards, qui vient donc de s'éteindre à l'âge de 88 ans, nous laisse un visage, celui d'Audrey Hepburn dans "Diamants sur canapé". Il lègue également à la postérité l'une des comédies les plus déjantées du 7ème art, le miraculeux "The Party".
Tout oppose à priori les deux films : d'un côté, la comédie sophistiquée adaptée du roman de Truman Capote, avec une Audrey Hepburn qui fait jaillir les larmes lorsqu'elle cherche à la fois son chat et le grand amour sous la pluie new-yorkaise; de l'autre côté, la pochade burlesque, Peter Sellers qui lace involontairement sa chaussure sur un détonateur, pendant un tournage, faisant sauter tout le décor, avant de jouer les Gaston Lagaffe dans une mémorable soirée hollywoodienne.
Tout les oppose, ces deux films, et en même temps tout les réunit... Blake Edwards savait à vrai dire travailler la dynamique (et la dynamite) interne de ses mises en scène. Il les portait surtout à un niveau d'excellence dans le registre d'un "cinéma champagne", écumant de bulles délicieuses tout en laissant entrapercevoir une étrange sensibilité, entre le sordide et le raffiné... Dans "Diamants sur canapé" comme dans "The Party", on retrouve aussi ces fameuses soirées festives qui virent à l'orgie et à la décadence, le regard du cinéaste virant au narquois, façon Billy Wilder, avec une âpreté encore plus noire.
On boit beaucoup, finalement, dans les films de Blake Edwards... On jazze pas mal, également... Avec Henri Mancini, le réalisateur de "La Panthère Rose" va faire équipe pendant plusieurs années, offrant au répertoire de la note bleue des thèmes qui ne vieilliront plus jamais, de "Moon River" à " Days of Wine & Roses", en passant bien sûr par le célèbre thème de la Panthère et le non moins célèbre refrain de "Peter Gunn", réalisé pour la télévision.
Marié à Julie Andrews, qu'il avait arrachée à "La Mélodie du Bonheur" pour lui offrir "Victor, Victoria", Blake Edwards s'était peu à peu éloigné des usages hollywoodiens... Il en résulta une carrière en dents de scie, quelques films oubliés qui seront autant de pépites en or lorsque nous aurons le loisir de les redécouvrir, et de fabuleuses séquences d'ores et déjà fondues dans le marbre des grandes comédies américaines, sous la signature de l'un de ses orfèvres les plus injustement sous-estimés.
Blake Edwards (26 juillet 1922-15 décembre 2010)