Another Year
Au gré des quatre saisons, Mike Lee choisit le printemps en ouverture, comme chez Vivaldi. Le choix est classique, à l'image d'un cinéaste bien décidé à ne rien révolutionner dans sa façon de filmer la famille, l'amitié, le découragement, la solitude et l'espoir. Nous sommes dans la banlieue de Londres... Un couple de quinquagénaires plutôt proche des 60 ans s'invente une dolce vita des plus paisibles, entre les joies du jardin et la convivialité d'un bon repas en famille ou entre amis.
C'est autour d'eux que s'incrustent, du printemps à l'hiver, des trajectoires un peu plus en zig zag, à l'image de Mary, la collègue de boulot, à la fois extravertie et dépressive, toujours prête à noyer dans l'alcool les avatars d'une vie amoureuse bien pauvre en rencontres. "Another Year" déploie ainsi son chapelet de petites notes "bergmaniennes", auscultant au moindre détail les fissures de vies ordinaires, dénichant, ici ou là, la pulsation susceptible d'arracher une certaine middle class britannique de la torpeur à laquelle elle semble parfois condamnée.
Délibérément impressionniste, le tableau pêche pourtant par un certain manque de subtilité dans la peinture des caractères. Le spectateur a même le désagréable sentiment d'avoir un temps d'avance sur les personnages du film dans la compréhension de certaines situations. A contrario, la fluidité de la mise en scène parvient à emporter l'adhésion. Se refusant à toute péripétie ou ressort dramatique qui prêterait à l'artifice, Mike Leigh compose une sonate d'émotions pures. Sur le papier, son intrigue est bien maigrelette. Sur grand écran, elle apparaît comme étonnamment bien cimentée et, en tout état de cause, jamais bringuebalante.
Ces qualités ne lui auraient pas suffi au printemps dernier pour décrocher la palme d'or cannoise que certains lui prédisaient un peu trop vite, d'autant plus qu'on est bien loin du cultissime "Naked" avec lequel le réalisateur anglais avait signé son entrée dans le 7ème art il y a près d'une vingtaine d'années. Mais en cette fin 2010, force est de reconnaître qu'on n'en a pas vu tant que ça, des films aussi bien charpentés et aussi efficaces, au final, dans leur apparente modestie.
"Another Year", de Mike Leigh (Sortie en salles le 22 décembre)