Maria Schneider ou la mort d'un choc sexuel...
On va laisser la grâce au vestiaire, pour une fois... On l'emploie trop souvent, ce mot là, comme s'il était au-dessus de tous les autres superlatifs. Mais non... Maria Schneider, qui vient de se barrer ailleurs avec son cancer, n'en avait rien à battre de la grâce. Féline et mutine, longues bottes et cuisses nues, seins du diable, manteau blanc fourrure et rien dessous, vouée à être désapée au plus vite, elle restera à jamais la Jeanne à croquer du "Dernier Tango à Paris", le torride et crépusculaire chef d'oeuvre de Bernardo Bertolucci.
Marlon Brando avait le col roulé et les cheveux longs, Jean-Pierre Léaud était déjà complètement déjanté, le pont de Bir-Hakeim trônait non loin de là, et le saxe éraillé de Gato Barbiéri s'envoyait en l'air, lui aussi, chevauchant un bandonéon de passage sur des arrangements d'Oliver Nelson... Dans le film, Maria Schneider a les cheveux bouclés. Elle est l'inconnue, l'étrangère... Elle n'a même pas besoin d'un prénom. Peu de gens savent alors que la comédienne est la fille de Daniel Gélin. Elle a été cover-girl, croisant quelques hippies et autres silhouettes de bohème début seventies... Elle débarque dans ce "Tango..." absolument pas "vierge", donc, et en même temps en totale inconscience.
Difficile, presque 40 ans après, de comprendre comment on a pu faire de ces deux heures d'ébats amoureux un jalon incontournable du cinéma contemporain... Sauf à redire qu'une créature propice à l'un des plus grands chocs sexuels de l'histoire du 7ème art enflamme soudainement la pellicule, là, en l'an 72, comme si, malgré Bardot, Dieu voulait encore recréer la femme... Bon, après, il y a cette fameuse scène qui compte pour du "beurre"... Même pas envie de s'y étendre, alors que ça a provoqué tout un tohu-bohu débile et insensé.
Il faut en même temps s'y arrêter, parce que c'est à cause de cette scène du beurre que Maria Schneider s'est brûlée les ailes... Dans les débris du scandale, elle va cumuler galères et cauchemars, cherchant en vain des rôles aussi forts, ne trouvant que celui d'une autre étrange inconnue dans le sublime "Profession Reporter" de Michelangelo Antonioni...Quel gâchis au final ! Quelle incompétence collective pour toute une génération de réalisateurs incapables de proposer quelque chose de grandiose à une Lolita aussi pulpeuse et qui avait su complètement révolutionner les codes les plus convenus du sex-appeal... I
ll y a 10 ans, au festival de films de femmes de Créteil, Maria Schneider répond aux questions de TsfJazz... Elle est toujours craquante. Elle a ce petit rire, cette ironie à mordre pour dire qu'elle a quand même un peu mieux vieilli que Bertolucci qui s'est effondré dans les années 80, glissant lamentablement du "Dernier tango..." au "Dernier Empereur"... Mais bon, on sent quand même le regret infecté de ne pas avoir tourné plus de films, l'exigence trop forte face à la médiocrité ambiante, la fêlure... Elle va encore longtemps hanter le septième art, cette fêlure qui n'a plus rien de sexuel, et qui renvoie simplement au fait que Maria Schneider était aussi une très belle âme et une immense actrice.
Maria Schneider (27 mars 1952-3 févrer 2011)