Lundi 28 février 2011 par Ralph Gambihler

Annie Girardot, dernière vague...

C'est vrai qu'elle n'a pas fait que de bons films. Pour un Visconti, un Ferreri, un Comencini, du temps où le cinéma italien surplombait encore les écrans européens, combien de franchouillarderies aussi figées que nos bonnes vieilles années 70 ? Le Canard Enchaîné avait même eu ce mot cruel, un jour, à propos d'un nanar des années 80 où elle incarnait une saisonnière des marchés: "Annie Girardot joue une marchande de légumes... Toujours son attirance pour les navets"...

Pourquoi dés lors l'avons nous tant aimée ? Peut-être parce que le temps passant, rien ne pouvait ternir l'éclat irradiant de la Nadia de "Rocco et ses frères"... Peut-être parce que sous le regard amoureux d'un Claude Lelouch, Annie Girardot incarnait la femme moderne sans chichis... Peut-être parce que même dans le genre illustratif, même dans la morne chronique de ces films qui semblaient toujours conçus comme de laborieux préludes à on ne sait quels "Dossiers de l'écran", la comédienne le crevait, justement, cet écran. 

strong>Annie Girardot était une star du peuple, une anti-vamp par excellence, et sans doute aussi une  belle personne qui ne se cachait pas derrière de beaux personnages. L'avons nous aussi aimée pour ses malheurs, ses galères, ses mauvaises rides, ses mauvais choix, avec pour finir la mémoire qui vacille et la mort "paisible", dixit le communiqué de presse, comme pour mieux conjurer l'enfer des dernières années ? L'avons nous aimée parce qu'elle tenait tête, tout simplement, à un milieu cinématographique qui, pour se venger de l'avoir grassement rémunérée, se mit à l'enterrer sous des tonnes de mépris ?

Elle faisait front, malgré tout, volant la vedette à Louis de Funès dans "La Zizanie", surfant sur le phrasé plus ou moins vieillissant d'un Michel Audiard... Snobée par la Nouvelle Vague, elle avait décidé d'être une vague à elle toute seule, sans rien calculer et avec ce charme infini de la gouailleuse qui joue toujours vrai, même si derrière la caméra, trop souvent, ça filmait tellement faux...

em>"J'ai toujours vécu avec l’idée qu’on avait une immense actrice en France et qu’elle s’appelait Annie Girardot", déclare sur TSFJAZZ Bertrand Blier, qui l'avait dirigé dans "Merci la vie". strong>Anne de Gasperi, notre chroniqueuse des festivals, grande passionnée du cinéma transalpin, se souvient d'Annie Girardot à Cannes, en 1969, soutenant Marco Ferreri dont on conspuait le "Dillinger est mort"... Deux témoignages, entre autres, pour dire le courage, la lucidité passionnée, l'allant inexorable et la soif d'amour et de liberté avec lesquelles Annie Girardot a donné chair à des abîmes qu'elle nourrissait éperdument de vaillance et de combativité.

Annie Girardot (25 octobre 1931-28 février 2011)