Mercredi 16 mars 2011 par Ralph Gambihler

Route Irish

Ce n'est pas une première chez Ken Loach. Dés qu'il s'aventure en dehors du social, c'est la plantade, soit sur le mode du révisionnisme trotskysant ("Land & Freedom"), soit dans le registre de la reconstitution lourdingue ("Le vent se lève")... Son nouvel opus, "Route Irish", ne fait malheureusement pas exception à la règle. Finesse et dynamisme sont aux abonnés absents dans ce qui est pourtant un sujet très fort.

Un double sujet, en fait, qui part de l'enfer irakien. Ken Loach raconte la privatisation de la guerre à Bagdad, et notamment le recours de plus en plus fréquent à des contractuels pour assurer la sécurité dans certaines zones dangereuses... La pratique est aussi fertile en bavures que lorsque ce sont les GI's ou la police irakienne qui déploient leur "savoir-faire". L'autre sujet, plus classique en apparence, a trait  aux effets de la guerre sur l'état psychique de ceux qui la font et la transposent, d'une manière ou d'une autre, dans leur comportement lorsqu'ils reviennent chez eux.

"Route Irish" peut dés lors décliner son pitch, à travers l'enquête que mène l'un de ces ex-contractuels anglais sur la mort de son meilleur ami qui faisait le même boulot que lui, avec visiblement l'ombre de plus en plus menaçante d'un obscur règlement de comptes entre paramilitaires... C'est l'autre écueil récurrent dans le cinéma de Ken Loach : la pesanteur dés qu'il patauge dans le synopsis politique, mais aussi le syndrome de l'enquête. On est souvent désarçonné, y compris dans les chroniques sociales les plus intuitives du réalisateur, par cette tentation mi-polar, mi-thriller, qui vient sans cesse polluer l'acuité du regard.... Une tentation qui, en l'occurrence, fait déraper "Route Irish" dans un faux-plat redoutable, ennuyeux et révélateur d'une incapacité édifiante à dessiner de véritables personnages de cinéma.

"Route Irish", de Ken Loach (Sortie le 16 mars)