Treme en Dvd
"Hangin' in the Treme / Watchin' people sashay / Past my steps / By my porch / In front of my door".... Il y a de quoi se déhancher effectivement sur "Treme", comme le chante si bien John Boutté dans l'ébouriffant générique de cette série dont la première saison débarque en DVD après avoir laissé le bon temps rouler dans les petites lucarnes du bouquet TV d'Orange. "Treme", c'est la Nouvelle-Orléans telle que nous la racontait Jean-François Bizot : celle d'Armstrong, bien sûr, mais aussi celle d'Allen Toussaint et des Indiens du Mardi-Gras...
Alors voilà... En dix épisodes conçus par les auteurs de "The Wire", autre série-culte plongeant dans le tréfonds de Baltimore, nous voici au coeur de Tremé, l'un des plus vieux et des plus authentiques quartiers de la Nouvelle-Orléans. Le récit débute trois mois après le cyclone Katrina, lorsqu'il s'agit de creuser au fond, mais alors bien au fond de son âme et de l'âme d'une cité pour tenter de se reconstruire. Il y a ceux qui n'y parviennent pas, comme par exemple ce prof de lettres en pleine déprime qui se défoule pendant un moment en expédiant sur YouTube des vidéos où il envoie paître le reste de l'Amérique pour avoir abandonné la Nouvelle-Orléans à ses digues de papier...
Les autres, eux, résistent... Fauchés, harassés, fouettés par la douleur, à l'image de cette gérante de bar qui cherche en vain son frère disparu dans on ne sait quelle prison du comté pendant les événements, les personnages de "Treme" combinent énergie et nonchalance au rythme des parades et des enterrements... Car à côté du prof de lettres, de sa femme avocate ou encore de la jeune chef-cuistot qui tente de faire marcher son restau, ce sont les musiciens qui forment l'ossature de la série, que ce soit Antoine Batiste, le tromboniste black qui tente toujours d'arnaquer son chauffeur de taxi, David MacAlary, le jeune DJ blanc complètement illuminé, Sonny et Annie, deux musicos de rue vivant en couple, ou encore Delmond Lambreaux, qui est parti respirer le jazz moderne à New-York et à qui son père reproche de s'être éloigné de ses racines néo-orléanaises...
On l'aura compris: ça parle beaucoup de jazz dans "Treme", on s'y sent comme un poisson dans l'eau, on y croise d'ailleurs en chair et en os Terence Blanchard, McCoy Tyner ainsi que l'étoile montante du moment, Trombone Shorty... Bon, parfois, le paysage semble presque trop idyllique... Même si la drogue, la corruption ou la brutalité policière sont parfois évoquées, il n'y a pas vraiment de grand méchant loup dans cette série, et le moins qu'on puisse dire, c'est que les quelques éléments étrangers à la ville versent parfois dans la caricature, comme par exemple ces jeunes ploucs du Wisconsin qui ne jurent que par le French Quarter ou encore ce Japonais en même temps assez irrésistible qui étale ingénument ses connaissances en jazz sans comprendre qu'il peut parfois blesser ceux qu'il admire...
Mais au final, quelle claque ! Quelle émotion ! Ce fou du Mardi-Gras qui danse tout seul avec son costume indien dans un paysage nocturne encore dévasté par les inondations, cette rencontre genre "Enfants du Paradis" en plein carnaval entre un DJ mytho et une violoniste de rue de plus en plus seule dans sa tête et dans son coeur, ce dernier coup d'oeil sur les rives du Mississippi avant que l'avion ne s'envole vers Big Apple, et puis ces parades, encore et toujours, où des jeunes sautent sur des capots de voitures abandonnées et se mettent à danser... "Treme", c'est du bonheur et de l'intelligence de coeur à l'échelle d'une ville-pélerinage qui n'a jamais cessé de conjuguer, comme le souligne l'un des personnages du film, clarté culturelle et transcendance urbaine... On comprend trop bien, hélas, pourquoi aucune grande chaîne de télé dite généraliste n'a jugé bon de diffuser cela à destination du grand public...
"Treme: saison 1" (Sortie en DVD le 20 avril) Emission spéciale, sur TSFJAZZ, dans les Lundis du Duc, ce 18 avril, à 19 heures, en direct du Duc des Lombards