Dimanche 15 mai 2011 par Ralph Gambihler

Minuit à Paris

Mais qu'est ce qui leur a pris à Cannes ? Woody Allen est-il devenu à ce point intouchable? N'y a t-il plus personne, ou presque, pour diagnostiquer la sénescence d'une oeuvre qui, malgré l'éphémère bain de jouvence de "Vicky Cristina Barcelona" en 2008,  agonise au rythme régulier d'un film par an?  Disons le d'emblée: "Minuit à Paris", nouvel opus du New-Yorkais le plus étrangement adulé de l'hexagone, est un film assommant de mollesse et de ringardise, et on est bien triste d'entendre, dans la B.O., Sidney Béchet et Cole Porter associés à cette sucrerie sans arôme.

Ah c'est sûr, les lecteurs de "Télérama" n'auront que yeux de Chimène pour cette pochade qui prétend ressusciter le Paris des années 20 en transposant un écrivain américain d'aujourd'hui dans l'univers de Scott Fitzgerald, Ernest Hemingway et Salvador Dali... C'est très culturel, très éducatif, un tel scénario... Tiens ! Voilà Man Ray... Et à côté, t'as vu ça ? C'est Bunuel ! Le problème, c'est qu'elle n'ont rien de furieuses, les "Roaring twenties" telles que les filme Woody Allen. Regard poussiéreux, orgie de jazz manouche pour faire passer la sauce, chromos de carte postale avec au bout du compte l'envie d'éructer un énorme "à quoi bon !" pour dissiper l'ennui qui nous envahit...

Pour ne rien arranger, le film est très mal joué. Owen Wilson, tellement tordant chez les frères Farrelly, s'efforce ici de mimer le paumé typique "allenien" sans aucune inventivité. Comme souvent lorsqu'elle est dirigée par un cinéaste américain, Marion Cotillard joue les potiches de service... Gad Elmaleh fait une apparition complètement saugrenue qui pourra éventuellement arracher un poil de sourire. Quant aux personnages "réels" des années 20, ils sont à peu près tous brossés dans leurs traits les plus caricaturaux, la palme allant sans aucun doute à Martial Di Fonzo Bo dans le rôle de Picasso.

Et puis, comme chez La Fontaine, il y a toujours une morale à la fable... Au cas où on ne l'aurait pas comprise, elle nous est assénée par l'un des personnages du film, qui nous dit qu'il n'y a pas d'âge d'or ni de rêve qui tienne, et que rien ne vaut finalement le présent, même s'il n'est pas toujours excitant. C'était quand même plus joliment troussé dans "La Rose pourpre du Caire" et "Un Américain à Paris"... Ces deux films-référence étaient surtout exempts de cette odeur de moisi et ce relent de superficialité qui relèguent le cinéma au rang de musée avec évidemment, dans le rôle d'une guide, la femme d'un président de la République...

"Minuit à Paris", de Woody Allen (le film est sorti en salles le 11 mai)