Roméo et Juliette
C'est une mise en scène pour le moins audacieuse qu'Olivier Py a "osée" dans son antre de l'Odéon. Son pari a d'abord consisté à retraduire le "Roméo et Juliette" de Shakespeare en mettant surtout l'accent sur le fait que la romance au coeur de la tragédie est entourée de beaucoup d'obscénité. Elle prime sur la haine, cette obscénité... Elle irrigue les errances de ces bandes de jeunes gens pas forcément au clair avec leur identité sexuelle, et en tout cas sûrement pas épanouis sur ce plan là, ce qui renforce d'autant plus la violence des comportements et les ravages de cette guerre entre les Capulet et les Montaigu qui met Vérone à feu et à sang.
On a un peu tendance à l'oublier, mais cette vulgarité ambiante autour de Roméo et Juliette est bien présente dans le texte de Shakespeare. Tel qu'on le connait, Olivier Py l'a retravaillée non sans une certaine délectation, avec pour résultat une mise en scène couillue mais qui se perd dans ses excès. Il en va de même au niveau de l'interprétation. Roméo tient la route. Mathieu Dessertine, qui lui prête ses traits, campe avec une belle énergie le côté voyou romantique du personnage, et son Roméo voisine habilement avec le désarroi d'Hamlet.
Pour Juliette, c'est plus compliqué... Ce n'est pas le talent de Camille Cobbi qui est en cause, mais la direction qu'Olivier Py lui impose: impétueuse et sauvage, cette Juliette là est dénuée de toute innocence... Dans le texte de Shakespeare, elle répond au premier baiser de Roméo : "Vous embrassez selon les plus belles manières"... Cette magnifique réplique disparaît, hélas, dans la traduction d'Olivier Py. On ne s'en étonnera point. Sa Juliette nympho et à forte voix s'avère, de toute manière, incapable de murmurer un quelconque "Je t'aime"...
Pêché d'immaturité, donc, et absence complète d'émotion. Ni le rythme, ni la très moche scénographie ne viennent dés lors dissiper un malaise qui vire carrément à l'ennui après l'entracte, une fois consommé le parti-pris de la mise en scène. On l'a tellement connu plus flamboyant, Olivier Py... Certes, ça tourbillonne toujours, à l'Odéon (ça tourbillonne plus en tout cas que dans ce triste Adagio pour Mitterrand qui nous avant tant consterné il y a quelques mois...), mais ça tourbillonne à vide, ça tourbillonne en vain... Le caractère de ce qui est vain, on le sait, cela s'appelle la vanité.
"Roméo et Juliette", mis en scène par Olivier Py au théâtre de l'Odéon à Paris (jusqu'au 29 octobre)