Mardi 15 novembre 2011 par Ralph Gambihler

L'exposition Boris Vian à la BNF

Des courbes, des couleurs, du be-bop diffusé en boucle... La scénographie que propose la Bibliothèque Nationale de France pour entrer dans l'univers de Boris Vian ne manque pas de gaieté ni de fantaisie. Le seul accroc dans cette bonne humeur graphique, c'est Boris lui-même. Au gré des archives exposées, l'auteur de "L'Ecume des Jours" ne cesse d'offrir aux visiteurs son profil d'incompris, son allure emprunte et surtout ce regard nuageux hanté par on ne sait quels nénuphars assassins... Ceux-là mêmes qui vont lui ôter la vie à l'âge de 39 ans.

Alors voilà, l'étui de trompette est vide... La tenue de scène est suspendue dans le vide, elle aussi... Il parait que face à son public, le chanteur était macabre et glacé, comme Gainsbourg plus tard. Refoulé de Gallimard qui ne voyait en lui qu'un swingueur de calembours, Boris Vian se lâche: "C'est drôle, quand j'écris des blagues, cela parait sincère et quand j'écris pour de vrai, on croit que je blague"... Il se met alors au théâtre, mais Pierre Brasseur refuse de l'adapter sur scène. Ça finit par faire abcès, ces échecs à répétition: "La vie, disait Boris Vian, c'est comme une dent: ça pousse, ça fait mal, et puis on vous l'arrache"...

C'était pourtant si rigolo, au départ,  "Le blues du dentiste" chanté par l'ami Henri Salvador... Du coup, puisqu'on le méprise, puisque la reconnaissance ne viendra qu'après sa mort, l'artiste décide de faire son malin en faisant tout en même temps, ou presque : du jazz et de la critique de jazz, des polars et des traductions de polars, des graffitis, des collages, de la peinture... Certains diront qu'il n'en faisait qu'à sa tête. Non, il n'en faisait qu'à son coeur, corrigeait Jacques Prévert, et ce coeur était bien fragile...

Y a-t-il vraiment eu un Saint-Germain-des-Près pour rehausser le tableau? Après tout, il n'y était pas tant que ça, Boris Vian, dans les caves du "Tabou" et lorsque Gréco fait sa Juliette en l'invitant dans son salon avec d'autres amis pour une émission de télé, Boris paraît atrocement mal à l'aise...  Il y eut heureusement les pas de danse et les yeux d'Ursula, et avant elle la croquante Michelle.

C'est cela: il faut penser que cet homme fut passionnément aimé par de très jolies dames pour repartir de l'expo le coeur un peu plus léger. Ou alors il faut écouter les morceaux de ce musicien qu'il aimait tant et extraire de la discographie de  Duke Ellington le plus doux, le plus suave, le plus propice à la sérénité... "Isfahan", par exemple, extrait de la fameuse "Far East Suite"... Même si Boris Vian était déjà parti sept ans ans auparavant.

Exposition Boris Vian à la Bibliothèque Nationale de France François Mitterrand à Paris (jusqu'au 15 janvier 2012). A réécouter également en podcast l'émission "Les Lundis du Duc", diffusée sur TSFJAZZ le 14 novembre, avec pour invités le clarinettiste Claude Abadie, Nicole Bertolt, conseillère scientifique de l'exposition et le journaliste et chroniqueur de jazz Alain Tercinet.