Jeudi 8 décembre 2011 par Ralph Gambihler

Vilaine fille

C'était peut-être elle, la première "vilaine fille" du cinéma américain... Le 16 septembre 1932, une actrice ratée et dépressive du nom de Peg Entwistle se dirige vers le fameux panneau "HOLLYWOODLAND" qui surplombe Los Angeles (les quatre dernières lettres seront enlevées en 1949), emprunte l'échelle jusqu'au sommet de la lettre "H" et se jette dans le vide. Ce destin tragique, Olivier Bonnard ne l'évoque que succinctement dans le thriller carrément "lynchien" qu'il vient de signer aux éditions Michel Lafon.

La suicidée d'Hollywood paraît pourtant avoir quelques airs de ressemblance avec les starlettes fictives que l'auteur évoque dans son récit, à commencer par Heather Burns, cette vraie-fausse Bimbo sauvagement assassinée dans une villa huppée, façon Sharon Tate, sauf que dans la maison où gisent trois autres cadavres, ce n'est pas le mot "Pig" (cochon) qui a été écrit avec le sang de la victime mais plutôt, tel un sinistre avertissement,  l'inscription "Vilaine fille"...

Ils sont deux à mener l'enquête : Seth Banner, un détective privé un peu armoire et surtout salement amoché par son passé à la Nouvelle-Orléans, et Martin Kaufman, un jeune journaliste cinéphile confronté lui aussi  à d'autres "vilaines filles", du genre actrices lobotomisées en pleine interview et répétant toujours la même phrase, comme dans un disque rayé... Le lecteur va également croiser, au cours du récit, un cinéaste maudit acharné à montrer "l'enfer du décor", ainsi que des pellicules étrangement vénéneuses.

Nul doute qu'après avoir lu "Vilaine fille" on ne regardera plus tout à fait de la même manière Marilyn Monroe jouant de l'ukulélé dans "Certains l'aiment chaud"... à moins de rebaptiser le film "Certains l'aiment froid" ! Armé de sa solide expérience de correspondant du "Nouvel Observateur" à Hollywood, Olivier Bonnard déploie à merveille, au seuil du fantastique, l'allégorie faustienne qui transparaît tout au long de ce premier roman. Los Angeles, sous sa plume, c'est le jour et la nuit... la nuit, surtout, lorsque la ville tombe le masque, et qu'au milieu des "camés hagards" et des coyotes qui s'aventurent  sur les boulevards pour faire les poubelles dans les arrières-cours des restaurants, "les anges sont de sortie et vous soufflent leur haleine putride dans la nuque"...

"Vilaine fille", d'Olivier Bonnard (Editions Michel Lafon) Coup de projecteur avec l'auteur, sur TSFJAZZ (7h30, 11h30, 16H30), le lundi 12 décembre.