Une bonne raison de se tuer
Elle n'en peut plus des années Bush, elle n'a jamais été à ce point fragile, elle se sent tomber. Et puis, ce 4 novembre 2008, dans un ultime sursaut, l'Amérique vote Obama. Il en va de même pour la poignante Laura Parker que strong>Philippe Besson suit au coeur-à-coeur dans son nouveau roman, "Une bonne raison de se tuer". Expulsée du domicile conjugal, rendue précaire, invisible et inutile aux yeux du monde, cette serveuse de 45 ans éprouve pour ainsi dire les mêmes tourments que son pays. Reste à savoir si Laura Parker va connaître le même type de sursaut "national" ou si au contraire, comme elle en exprime l'intention dés le début du récit, le 4 novembre 2008 sera le dernier jour de sa vie.
L'ultime sursaut pourrait s'appeler Samuel Jones, peintre hippie sifflé pareillement hors-jeu de la grande fièvre nationale, ce 4 novembre 2008. Lui aussi se sent tomber puisque c'est ce jour là qu'il doit enterrer son suicidé de fils. Evidemment, ça pèse lourd pour le lecteur, au départ, la chute de Laura et de Samuel. Sauf si ces deux là parviennent à se rencontrer, et c'est bien tout l'enjeu romanesque de ce récit californien dont la trame n'est pas sans rappeler le beau film d'Ettore Scola, "Une Journée particulière" avec, là aussi, la rencontre entre deux êtres tenus à l'écart de la fête et du mouvement de l'histoire.
La plume de Philippe Besson est analgésique. Elle cisaille au plus profond de l'âme tout en enveloppant le lecteur dans une sorte de langueur océane qui atténue ce que les trajectoires des personnages ont d'inexorable. Le cadre géographique, évidemment, y est pour beaucoup. Dépouillée de ses trépidants oripeaux, Los Angeles se dévoile dans une lumière à la fois douce et livide qui imprègne les pages comme des particules en suspension. Bret Easton Ellis éclairait pareillement la Cité des Anges dans son dernier roman.
"Une bonne raison de se tuer", de Philippe Besson (Editions Julliard) Coup de projecteur avec l'auteur, le 12 janvier, sur TsfJazz (7h30, 11h30, 16h30)