Mardi 16 octobre 2012 par Ralph Gambihler

César doit mourir

Ce n'est pas la meilleure pièce de Shakespeare. La lourdeur du récit, sa composition trop lourdement scindée en deux parties et son manque d'unité (César meurt au début du 3ème acte, ce qui est un peu malvenu pour un héros de tragédie...) ont toujours conféré un aspect pour le moins pesant à ce "Jules César" auquel on a le droit de préférer, pour rester dans la même période, la fièvre lyrique d' "Antoine et Cléopâtre". L'éternelle jeunesse des frères Taviani est heureusement au rendez-vous pour élaguer et redimensionner ce monument du théâtre élisabéthain.

Et dans le genre changement de dimension on est servi puisque ce sont des détenus qui incarnent les personnages de Shakespeare ! Nous sommes au coeur de Rebbibia, cette prison de haute sécurité située à Rome, et la répétition a presque valeur de catharsis pour ces ex-mafieux et meurtriers qui font appel à ce qu'il y a de plus profond et de plus refoulé en eux pour que César, Brutus, Marc-Antoine et Cassius vibrent de tous leurs feux. L'âpreté des décors, la transformation des lieux de vie carcérale en espaces de jeu mais aussi le choix du noir et blanc donnent curieusement, dés lors, une teinte néo-réaliste à ce "Jules César" qui nous semblait au départ si boursouflé.

"Depuis que j'ai connu l'art, cette cellule est devenue une prison", dira l'un des prisonniers à l'issue de la représentation. On aime bien aussi cette phrase de Vittorio Taviani lors de l'interview des deux frères sur TsfJazz: "Shakespeare pourrait nous dire, aujourd'hui, 'Utilisez-moi, mais surtout transformez-moi', car on ne peut pas continuer à faire du théâtre comme il y a 500 ans. Pour nous, la vérité de César et de Brutus est devenue la vérité des camorristes, des détenus, des mafieux, et nous disons merci à Shakespeare même si nous avons suivi notre propre chemin".

"César doit mourir", de Paolo et Vittorio Taviani, Ours d'Or au festival de Berlin 2012, sortie en salles ce mercredi 17 octobre. Coup de projecteur le même jour, sur TsfJazz,  avec les deux réalisateurs (7h30, 11h30, 16h30)