Dimanche 14 avril 2013 par Ralph Gambihler

Promised Land

Du fait même de l'ambiguïté de ses personnages et de la modestie apparente de son sujet, "Promised Land" a tourné au fiasco critique et commercial aux Etats-Unis, et il n'est pas sûr que l'Europe lui réserve un traitement bien différent. Raison de plus pour faire l'éloge de ce film un peu ingrat sur le papier et faussement mineur dans l'oeuvre de Gus Van Sant alors même que son caractère épique finit par crever l'écran.

Il n'y a pourtant pas plus anti-héros que le personnage de représentant commercial campé ici par Matt Damon (également producteur et co-scénariste). Venu vanter les mérites de l'exploitation des gaz de schiste chez des fermiers de Pennsylvanie, le voilà bientôt confronté à des coriaces. Dans un premier temps, c'est la communauté du village qui fait barrage par la voix d'un scientifique retraité contestant la nature même du projet malgré ses avantages économiques.

L'autre obstacle a les traits d'un militant écolo venu de l'extérieur (John Krasinski) qui sait à la fois jouer de son charme et de son bagout... De plus en plus empâté, mal à l'aise et rongé par le doute, Matt Damon livre ici une performance étonnante. Encore plus plouc, parfois, que les paysans qu'il a en face de lui, c'est presque dans un même élan qu'il déploie tout en les déjouant les mécanismes d'identification à son personnage avant qu'un switch excellemment mis en scène ne parvienne enfin à libérer ses accents "fordiens"...

La douceur, l'harmonie et le spleen propre aux mises en scène de Gus Van Sant font le reste... Entre l'accompagnement musical tout en grâce signé Danny Elfman (le musicien fétiche de Tim Burton) et les vues aériennes sur cette Pennsylvanie rurale dont la déshérence sociale n'est en rien occultée, le film baigne dans une ambiance tamisée, bluesy et douce-amère qui renvoie à ces fragments d'histoire d'Amérique dont Gus Van Sant interroge avec toujours autant de pertinence les failles, les fluctuations et les résistances collectives.

"Promised Land", de Gus Van Sant (Sortie en salles le 17 avril)