Lundi 6 mai 2013 par Ralph Gambihler

Avishai Cohen à Pleyel

Rajouter un orchestre à cordes à son arc lui va comme un gant, à Avishai Cohen. Il n'a jamais été autant lui-même que ce dimanche à Pleyel dans une configuration trio with strings dont la force d'épanouissement refoule à l'extérieur toutes les polices esthétiques qui ne jurent que par "Jazzman, tes papiers !" Mais il s'en moque, le contrebassiste-chanteur, de ces semonces ! Sans-papier de la note bleue, il n'en est pas moins le citoyen du monde, lui dont la musique sans frontières ventile dans toutes les directions, mixant et remixant tradition et expérimentation comme seul un vrai musicos de jazz sait le faire.

"I'm an exploring man", lâche-t-il entre deux morceaux... Ce quatuor à cordes qui l'environne est une pure merveille. Deux altos, violon et violoncelle... Tous Israëliens, sauf une Suisse qui a une grande histoire d'amour apparemment avec Israël.  La musique d'Avishai, ils la nuancent et la colorisent avec autant d'élégance que le jeu de lumières sur le plateau. Aucune guimauve ni "moquette" dans ces sonorités auxquelles un joueur de hautbois assis à la même rangée apporte sa propre palette.

Lorsqu'il se lève pour un solo, à deux ou trois reprises, c'est comme si la flûte de Pan ensorcelait Pleyel... Au piano, Nitai Hershkovits, découvert sur le dernier album d'Avishai Cohen, "Duende"... Swing et lyrisme, chez lui, forment une seule planète et côté arrangements, on reconnaît vite l'orfèvre, surtout à l'écoute de cette "Russian Song" qui est un peu le feu d'artifice à la soirée. A la batterie, un tout jeune au look d'ado, Ofri Nehemya, doué en même temps d'une assise remarquable. Avec une telle équipe, Avishai Cohen égrène un répertoire largement inédit ancré dans le songbook de son pays, ce qui ne l'interdit pas de reprendre "A Child is Born", de Thad Jones.

On reconnait aussi quelques classiques qui ne prendront jamais la moindre ride, "Remembering", "Morenika", sans oublier, toujours issu de l'album "Aurora", "Alfonsina y el Mar" développé en solo contrebasse avec toujours ce toucher unique et cette approche à la fois mélodique et percussive de l'instrument. La voix aussi a pris de l'assurance, comme si elle exultait dans le symphonique. En hébreu ou en ladino, la fluidité et le poignant ne se séparent plus sauf dans le final qui est carrément festif... Pleyel, alors, se lève à toutes les rangées, tape dans les mains, chante "Shalom, Shalom" et se met même à danser.

Avishai Cohen à la salle Pleyel, à Paris, dimanche 5 mai 2013.