Jimmy P.
Freud ne l'avait certainement pas rêvé, Georges Devereux l'a fait. En 1946, dans un hôpital du Kansas, ce Juif roumain naturalisé français prend en charge un Indien des plaines blessé durant la guerre. Confronté à un stress post-traumatique propice à d'infernales migraines, le psy s'immerge dans la culture de l'Indien, apprend sa langue, exhume ses rêves. En somme, il le traite comme s'il s'agissait d'un Blanc et sans le moindre sentiment de culpabilité. Surtout pas celle des crimes commis par l'Amérique contre les Indiens.
Impossible, en même temps, de ne pas percevoir le regard vaguement méprisant que les médecins du Midwest portent sur ce patient sorti d'une réserve. La sensibilité d'Arnaud Desplechin fait le reste... A l'instar de l'iconoclaste Georges Devereux balançant par dessus bord ce qu'une psychothérapie peut produire de froid et d'abstrait, le réalisateur a d'abord convoqué, pour ce qui est son premier grand film américain, les qualités de coeur qui ont toujours irrigué son univers, même lorsqu'il passe au peigne fin les microcosmes parisiens.
Il évite aussi l'écueil du bavardage en alternant séances d'analyses, souvenirs, séquences oniriques. Chevaux et prairies sont filmées avec la même ampleur que le face-à-face entre le psy et l'Indien. Rien à voir avec le mauvais Cronenberg ("A Dangerous Method") qui abordait une thématique voisine. Comment, à contrario, ne pas penser au mélange de fièvre et de retenue d'un François Truffaut dans "L'Enfant Sauvage"? Comment ne pas trouver pareillement "truffaldien" le renfort d'une présence féminine dans cette histoire d'hommes ? C'est la top craquante Gina McKee qui joue Madeleine, l'amante de Georges Devereux, déjà consciente que leur histoire appartient au passé et qu'elle n'est plus qu'un bout de France que le psy américanisé va bientôt complètement abandonner...
Le psy, c'est Mathieu Amalric. On a l'impression, au début, à le voir si exubérant dans une ambiance jazzy d'après-guerre, qu'il s'est échappé d'un précédent film d'Arnaud Despléchin... Sauf que son jeu devient de plus en plus introverti, son personnage de plus en plus fissuré, au diapason de l'intensité dont fait preuve Benicio Del Toro dans le rôle de l'Indien. Ces deux-là bénéficient, au final, d'une douceur de regard qui embue les pupilles et que rehausse une maîtrise formelle encore une fois au plus haut niveau... "Jimmy P." sera évidemment le grand film de la rentrée.
Jimmy P. (Psychothérapie d'un Indien des plaines)", d'Arnaud Desplechin ( Sortie le 11 septembre)