Siam Roads
Leur post-jazz un peu dandy a pris une coloration franchement roots, et c'est tant mieux. Ayant crapahuté pendant plusieurs mois au fin fond du nord-est thaïlandais, les quatre globe-trotters de Limousine (Laurent Bardainne, Maxime Delpierre, David Aknin, Frédéric Soulard) en ont ramené un étrange blues des rizières, le molam. C'est un cultivateur d'orchidées, Yodh Warong, qui les a initiés à cette musique, fort de sa polyvalence à manier des instruments aussi exotiques que le pin, le pong lang et le khaen, vulgairement traduits sous nos contrées par les mots guitare, xylophone et orgue à bouche.
Ces volutes transies au royaume de Siam n'ont guère enfumé, heureusement, la marque de fabrique de Limousine. Leur musique est aussi suave, hypnotique et onctueuse que dans l'album paru il y a deux ans... Bercé par les ballades de Lester Young et les trips des Pink Floyd, le hype-band le plus décoincé du moment s'immerge ainsi dans les sonorités trad' pour gravir de nouveaux paliers dans le planant.
Saison des pluies oblige, le disque s'ouvre sur Coeur d'eau, lancinante mélopée à laquelle succède un pur moment de groove, Luk Thung (Khun Playboy), puis une ambiance de cabarets tamisés avec Boonghusa... Limousine sur rails (Ubon Train Station), Limousine en deux-roues (Wrong Scooter, mon morceau préféré)... Elle est vraiment protéiforme, cette caisse de luxe qui peut aussi oser des moments déchirants, à l'instar de Yodh Song... On adore également Sad Sun et son invitation à l'apéritif après une dure journée de labeur sous les tropiques.
Siam Roads, Limousine (Ekler'o'shock). 20h de TSFJAZZ, ce mercredi 30 avril. Concert parisien à la Maroquinerie, le samedi 10 mai.