Vraiment unique, ce North Sea Jazz Festival...
Ici, Cécile McLorin-Salvant, grâce et intimité mêlées. Là, Stevie Wonder, 12 000 spectateurs transfigurés par l'icône dont les tubes et le charisme toujours intact soulèvent le public en vagues ininterrompues. Plus loin encore, une scène extérieure transformée en Congo Square. Un Néo-orléanais déluré comme on les adore, Jonathan Batiste, joue carrément du clavier debout. Quand il descend de scène avec ses musiciens pour improviser le plus euphorisant des brass-bands, on se dit que le North Sea Jazz Festival n'a aucune leçon de coeur et d'âme à recevoir lorsqu'il s'agit de faire vivre un véritable événement populaire.
Ils sont 75 000 à venir ainsi jazzer, trois jours durant, dans le port de Rotterdam, gros donateur d'un festival indoors né en 1975 et qui mélange avec à la fois beaucoup de candeur et de professionnalisme sa réputation de supermarché du jazz et son ambiance Fête de l'Huma. Une quinzaine de salles au total (pour une affiche de rêve, de Brad Mehldau à Benny Golson, en passant par la classe incarnée en la personne du contrebassiste Christian McBride...), allant du petit chapiteau qui ne paie pas de mine à la méga-halle pour star interplanétaire.
Sauf qu'au gré des escalators et autres grandes allées moquettées façon séminaire, on trouve aussi des bars à sushis, des galeries d'art, des écrans géants pour fans de foot... On est un peu paumé, au début, dans ce labyrinthe. Et puis on s'y sent de mieux en mieux, en symbiose avec un public idéalement polymorphe au niveau générationnel. On s'y sent d'autant mieux qu'on a au poignet droit le bracelet "Birdland", précieux sésame donnant accès à un espace VIP encore plus grand que le New Morning.
Jean-Jacques Goron, délégué général de la fondation BNP Paribas (et ancienne voix de Radio Nova !!!!), tente de nous y arranger une interview à laquelle notre inconséquence ne fera pas honneur. On n'avait vraiment pas le coeur, pourtant, à mettre sa cooltitude à "l'amende" alors même que cette fondation s'avère être un levier de plus en plus décisif en matière de mécénat. 225 000 euros ont notamment été dégagés, cette année, pour soutenir et accompagner des initiatives et des musiciens de jazz à l'instar de ce trompettiste inouï de densité et de spiritualité qu'est Ambrose Akinmusire.
A la faveur du prix Paul-Acket 2014 que lui a remis la fondation et alors qu'on le sondait sur la part de racines et d'innovation dans sa musique, Ambrose Akinmusire a eu cette phrase au micro de TSFJAZZ: "The tradition of Jazz is to explore"... C'est vrai qu'au North Sea Jazz Festival édition 2014, on a aussi beaucoup pensé à Charlie Haden...
North Sea Jazz Festival, Rotterdam, 11, 12 et 13 juillet 2014