Enemy
On les appelle les Marilyn Towers en raison de leur profil courbé. Les deux gratte-ciels contorsionnés de Mississauga, dans la banlieue de Toronto, donnent le ton du nouveau film de Denis Villeneuve. Distorsions géométriques, teinte jaunâtre, architecture brutaliste façon La Défense dans Buffet Froid de Bertrand Blier.
Le cauchemar urbain dans lequel Enemy enserre ses personnages témoigne d'un réel brio de mise en scène. Tourné entre Incendies et Prisoners (dont on retrouve l'acteur principal, le formidable Jake Gyllenhaal), le film n'a cependant pas la même ampleur que ces deux opus. La faute, sans doute, à un scénario immature et schématisant qui voit un prof de fac confronté à son double en la personne d'un acteur de 3e zone. Deux sosies, certes, mais surtout deux caractères diamétralement opposés dont on croit comprendre qu'ils ne forment qu'une seule et même personne habitée par des pulsions contraires, notamment sur le plan sexuel.
Vieilles lunes freudiennes et araignées mystérieuses ne peuvent, dés lors, qu'alourdir cette adaptation d'une nouvelle de José Saramago propice à maintes prises de tête dans le décryptage du récit. Mais autant l'exercice captive chez David Lynch, David Cronenberg ou Roman Polanski, autant il apparaît, ici, un peu futile, même si on voit bien à quel point le réalisateur d'Incendies apprécie l'équation 1+1=1.
Enemy, Denis Villeneuve, sortie en salles le 27 août.