Still the Water
Côté romance à bicyclette, on en était resté à la célèbre chanson d'Yves Montand. Et puis aussi, mais en négatif, au tandem Schneider/Piccoli dans Les Choses de la vie, le moins bon film de Claude Sautet. Ou du moins celui qui a le plus mal vieilli. Et voilà que surgit Kyoko, cheveux aux vents derrière Kaito sur son vélo, filant d'amour et d'eau fraîche le long du littoral sur l'île d'Amami où Nanomi Kawase déploie sa jolie et poignante sonate.
Et pourtant, tout n'est pas d'amour et d'eau fraîche dans Still the Water. L'idylle naissante entre les deux ados a beau être entourée de chamanes, d'arbres centenaires et de paysages à la Terrence Malick, elle n'en est pas moins placée sous le signe d'une vraie douleur d'âme et d'un typhon pour le moins menaçant. Ce corps inconnu qui flotte au départ du récit, cette maladie incurable qui va emporter la mère d'une adolescente, cette peur du sexe chez son peu loquace compagnon... Et puis aussi cette brève escapade à Tokyo qui vibre incroyablement devant la caméra de Naomi Kawase.
C'est dans la capitale nippone que le jeune homme issu de parents séparés comprendra, au contact de son père tatoueur, qu'il y a aussi une vie AVANT la mort, quoiqu'en disent les esprits et autres sacrificateurs de chèvres. C'est toute la beauté de ce film que de savoir avec autant de fluidité se dépêtrer et décoller du salmigondis un peu new age et autres trips écolo-spirituels pour atteindre des hauteurs étrangement plus terriennes.
Les Dieux meurent aussi, finalement. C'est peut-être ce rappel formulé par un savoureux grand-père qui rend si prégnant le sort tragique d'un banian de jardin déchiqueté par une pelleteuse à tête de dragon, et si émouvant le ballet aquatique de deux jeunes corps nus à la fin du film. Apaisé, délicat, onirique et en quête d'une harmonie propre à créer un halo de mystère à l'écran, Still the Water est d'abord un film tumultueux. Qu'il soit reparti bredouille du dernier festival de Cannes n'en est que plus incompréhensible.
Still the Water, Naomi Kawase, en compétition au dernier festival de Cannes. Sortie en salles le 1er octobre. Coup de projecteur avec la réalisatrice le jeudi 2 octobre sur TSFJAZZ (12h30)