Gogo Penguin: v2.0
On n'était guère trop fan, jusqu'à présent, de cette vogue indé made in Britain gambadant dans le "post-jazz" façon Portico Quartet ou Neil Cowley. Concernant les Gogo Penguin, il est néanmoins fort possible que la maturité musicale du groupe survive aux effets de mode. A vrai dire, les transes suaves de ce trio de Manchester fougueusement adoubé par Jamie Cullum et Gilles Peterson s'harmonisent de manière fort impressionnante dans leur 2e album, v2.0. La qualité du son et le travail de production n'y sont sans doute pas pour rien, ne serait-ce que pour contredire le nom de baptême du groupe.
Ni gagas ni gogos, et encore moins manchots, Chris Illingworth au piano, Nick Blacka à la basse et Rob Turner aux drums donnent du volume à leurs riffs, break-beats et autres météorites mélodiques fusant d'un morceau à l'autre. Volume et non pas chaos. Densité et certainement pas magma. Tels leurs glorieux aînés scandinaves d'E.S.T., les Mancuniens de Gogo Penguin dramatisent leurs accords sans jamais s'emballer. On a ainsi la curieuse impression d'entendre dans l'album plus que trois instruments tout en étant frappé par la manière dont ils se canalisent entre eux, le piano semblant mener la danse sans que jamais la basse et la batterie ne soient relégués en seconds accessits.
Une ou deux réserves, cependant : ce minimalisme un peu flemmard sur une ou deux plages, ces tics qui poussent le bouchon de la contingence un peu loin jusqu'à nous faire croire que le disque est rayé par endroits... Il faut bien que jeunesse se passe. Epaisseur, cohésion et virtuosité rythmique sont joliment au rendez-vous, en revanche, dans l'étonnant Garden Dog Barbecue qui agit comme un parfait vaccin contre toute tentation lounge. On est encore plus enthousiasmé par la construction du spacieux To Drown in You. De quoi rafraîchir allégrement, même avec une pochette d'album aussi absconse qu'une toile de Mondrian, l'univers extrêmement séduisant de trois garçons dans le vent.
v2.0, Gogo Penguin (Concert au Duc des Lombards le 14 décembre. Sur scène également le lendemain, à l'Olympia, dans le cadre de la soirée TSFJAZZ You & The Night & The Music)