Timbuktu
Tombouctou sous le joug djihadiste se rappelle à notre souvenir grâce à la caméra d'Abderrahmane Sissako. Mégaphone en main, les nouveaux maîtres de la cité des sables énuméraient les nouvelles règles: chaussettes et gants noirs pour les femmes, interdiction de flâner dans les rues, de pratiquer de la musique ou de jouer au football... C'est pour cela que dans Timbuktu, on voit des gosses courir sur un terrain avec un ballon invisible.
Caméra de résistance, donc, pour évoquer la nuit intégriste sur Tombouctou sans hésiter, d'ailleurs, à humaniser ou à ridiculiser (ce qui est aussi une forme d'humanisation..) certains de ces djihadistes au-delà de la barbarie du régime qu'ils ont fait subir aux Maliens. Caméra de résistance, également, pour suivre les malheurs de Kidane, ce berger qui se voulait à l'écart du tumulte politique avant d'en être la victime suite à la mort accidentelle d'un pêcheur qui s'en était pris à l'une de ses vaches.
C'est peut-être dans la peinture de ce personnage et de sa famille que Timbuktu tombe un peu dans l'image sulpicienne, avec en écho une mise en scène dont l'esthétisme et la lenteur paraissent primer sur le souffle. Lorsqu'il filme, en revanche, dans un plan d'une brièveté et d'une sécheresse impressionnante, la lapidation d'un couple d'amants condamné pour adultère, Abderrahmane Sissako trouve le ton juste. Ce ton qui perfore l'écran d'un "plus jamais ça !"
Timbuktu, Abderrahmane Sissako, sélection officielle au festival de Cannes (Sortie le 10 décembre)