Les Heures sombres
Il n'avait pas seulement à offrir que "du sang et des larmes". Quand Winston Churchill est nommé Premier ministre, en mai 1940, c'est aussi sa plume et son verbe qu'il met à la disposition son peuple. Des outils peu efficaces, à première vue, alors que les panzers allemands déferlent sur la France et que les troupes britanniques présentes dans l'hexagone sont emportées dans la débâcle générale.
Le "vieux lion" qui défia Hitler nous semble à vrai dire bien fragile dans ces Heures Sombres où il affronte à la fois la défiance de son parti et le scepticisme du roi Georges VI. Un caractériel alcoolo, miné par son fiasco des Dardanelles en 1915 alors qu'il était déjà aux affaires, tel apparaît Churchill aux yeux du plus grand nombre. Pas sûr, dés lors, qu'il puisse longtemps résister à la pression de ceux qui, au sein de l'establishment, militent pour un traité de paix avec l'Allemagne avant que celle-ci ne soit en mesure d'envahir l'Angleterre.
Sous la direction de Joe Wright, dont le très beau Reviens-Moi se concluait également sur les plages de Dunkerque, Gary Oldman compose un Churchill qui peut surprendre avec sa tête de bébé Cadum hirsute et sautillant, pas dandy pour un sou et en proie à de sérieux doutes... Jusqu'à aller se ressourcer auprès du bon peuple lors d'une virée inopinée dans le métro qui relève de la pure fiction. Le pari fonctionne, pourtant, et pas seulement grâce un acteur oscarisable.
Joe Wright ne décrète pas d'emblée que son héros est dans le bon camp, il prête attention aux arguments de ses adversaires et s'il aurait pu s'épargner des personnages féminins inutiles ainsi qu'une certaine redondance musicale, sa mise en scène bourdonne de plans anxiogènes, notamment dans cette Chambre des Communes transformée en chaudron noir bleuté et où le plus ardent serviteur de la langue de Shakespeare finit pas imposer ses vues.
Les Heures sombres, Joe Wright (Sortie en salles le 3 janvier)