Mardi 23 janvier 2018 par Ralph Gambihler

Couleurs de l'incendie

On l'avait connu haletant et poignant, le voici poussif et balourd. Avec Couleurs de l'incendie, suite très attendue d'Au revoir là-haut, Pierre Lemaître ne parvient pas à retrouver la puissance narrative et rythmique qui lui avait valu le Goncourt en 2013. Difficile à vrai dire de faire son deuil d'Édouard Péricourt, cette gueule d'ange devenue "gueule cassée" qui tentait de survivre vaille que vaille après la Grande Guerre en essayant de concilier magouille et sensibilité artistique. Dans ce 2e tome, c'est sa frangine, Madeleine, qui joue les héritières ruinées sur une période qui va de 1927 au début des années trente sur fond de crise financière et d'expansion fasciste et nazie.

Cette personne est nettement moins sympathique, y compris lorsqu'elle se la joue Comte de Monte-Cristo à l'encontre de tous les vilains qui lui ont fait du mal et qui sont, au choix, des riches crapuleux ou des pervers opportunistes. Inutile de reprocher à l'auteur un propos trop appuyé sur le plan politique, il s'en gargarise. Que de flamboyance perdue, pourtant, dans cette manière de passer de Balzac (car c'était bien ce trait balzacien qui faisait toute la richesse d'Au revoir là haut...) à Alexandre Dumas en préférant le populisme à la finesse et la méchanceté à la causticité.

Seul antidote à ce défilé de personnages plus ou moins pathétiques, le petit Paul, le fils de Madeleine. Défenestré au début du récit jusqu'à atterrir sur le cercueil de son grand-père, sa romance platonique avec une Castafiore pour le moins croquignolesque égaie quelque peu l'atmosphère, jusqu'à cette très belle séquence du concert dans le Berlin d'Hitler. On sourit également à l'évocation de ces deux filles à la dentition problématique que leur député de père essaie de marier au premier venu.

Il reste que la magie est rompue. Notamment au niveau de l'écriture, avec ce tic affreux consistant à s'adresser régulièrement au lecteur. Le procédé consistant à lui tenir la main est-il si indispensable en matière de roman populaire ? Refermant la dernière page, on a surtout le sentiment que Pierre Lemaître nous a tenu en laisse, et cela pour un résultat bien maigrelet.

Couleurs de l'incendie, Pierre Lemaître (Albin Michel)