Didier Lockwood, le jazz au grand galop...
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Un archet en hiver. Didier Lockwood le lâche brutalement et tout le jazz français s'en trouve "cratérisé", comme pour Petrucciani il y a bientôt 20 ans. On peut donc naître à Calais et être aussi solaire. On peut avoir gagné une notoriété sans pareille dans ce milieu-là et rester simple, lumineux, souriant, animé d'une sensibilité et d'une générosité dont le public perçoit spontanément tous les signaux
C'est sur scène, en fait, que Didier Lockwood entrait en transe, et ce sera un regret éternel que de ne pas avoir vécu ce moment là. Sur scène quelque soit la scène, la grande salle ou le petit club. La même folie, le violon de la déraison, en mode halluciné façon fusion, dans la pure intensité ainsi que Stéphane Grappelli en avait tracé le sillon ou encore dans l'émotion toujours intacte d'une Ballade irlandaise chantée plus tard par Nougaro et dont les années JMS, son premier grand label avant Dreyfus Jazz, en garde encore la mémoire.
Avec le jazz, il joue au chat et à la souris. Formation classique, bifurcation vers le rock progressif (Christian Vander, le fondateur de "Magma", en profite au passage pour l'initier à Coltrane...), cavalcades transdisciplinaires sauf qu'il reste toujours au cœur de cette musique et de son esprit. Jazz et classique, jazz et théâtre, le jazz et la diva... Ce "et", c'est son cogito. Ça donne encore plus de panache à son swing. La critique, qui a d'avantage le béguin pour les introvertis, ne perçoit pas toujours ce que cette virtuosité recèle d'humanité. Didier Lockwood popularise, "spectacularise", pratique le jazz au grand galop. Et alors ? Sa vérité est ailleurs. "L'improvisation, cela consiste d'abord à accorder sa vision de la vie à son âme".
Transmettre, son autre obsession... Il fonde des écoles, il signe des rapports. Les chorales dans les écoles, ça sort de son cœur et non pas d'un quelconque ministère de la Culture. Il redoute plus que tout le formatage, la panne de sens. Il y a du patriotisme jazzistique au beau sens du terme dans cette manière d'encourager chacun -et lui, surtout- à traquer de nouveaux horizons. On perçoit aussi dans son regard pétillant et juvénile que bien des femmes ont dû le transcender. Ce soir, dans l'émission-hommage de TSFJAZZ qui lui est consacrée au Duc des Lombards, Caroline Casadesus, avec laquelle il a partagé 18 ans de vie commune, en donne un vibrant aperçu : "Quand il m'a rencontrée, il n'aimait ni les chanteuses, ni les rousses !"... Difficile de retenir les larmes.
Didier Lockwood (11 février 1956-18 février 2018)