Samedi 28 avril 2018 par Ralph Gambihler

Foxtrot

Trop ambitieux et trop disparate, ce Foxtrot qui est loin de renouveler le coup d'éclat réalisé par Samuel Maoz en 2010 avec Lebanon, Lion d'or à la Mostra de Venise. Le cinéaste israélien avait alors osé l'improbable, la guerre filmée à l'intérieur d'un tank, la caméra se confondant avec le viseur. Un dispositif hors-du-commun pour mieux cisailler de l'intérieur -au sens propre du terme- les mythes de Tsahal et l'absurde condition de certains de ses soldats, à la fois confrontés et tenus à distance des horreurs qu'ils sont amenés à commettre.

Huit ans plus tard, nul doute que Samuel Maoz n'a rien perdu de ses convictions, comme en témoigne l'acharnement à son encontre de l'actuelle ministre israélienne de la Culture. Cinématographiquement, c'est autre chose, avec en guise de premier acte un drame familial aussi lourd que dissonant: un couple de quinquagénaires est ainsi confronté à l'annonce de la mort de leur soldat de fils à un poste-frontière du côté de la bande de Gaza. Désarroi, crise de nerfs (de la mère), et finalement erreur sur la personne. Le fils est bien vivant ! La mise en scène met les formes, bien voyantes au demeurant, dans cette alternance de tragédie et de quiproquo filmée dans un cadre bourgeois dont Samuel Maoz a peaufiné la géométrie aux petits soins.

Un personnage de grand-mère démente rescapée de la Shoah est censé faire le lien avec le passé d'Israël sans que cela nous frappe d'évidence. Hiatus complet, qui plus est, avec le 2e acte du film qui montre le fils soi-disant mort avec ses camarades de checkpoint... C'est là où le réalisateur réussit le mieux le raccord avec Lebanon. Sauf que l'absurde prend ici une tonalité plus burlesque. Le sol du conteneur où sont confinés les soldats penche dangereusement, la photo d'une pin-up a été collée sur un camion à glace, les troufions trompent leur ennui en effeuillant un magazine porno caché dans une Torah avant de s'essayer à quelques pas de foxtrot, une danse qui, comme le souligne le réalisateur, ramène toujours ses protagonistes au point de départ.

Comme dans Lebanon, une bavure vient ponctuer la séquence. La ministre de Netanyahu aurait du le relever: chez Samuel Maoz, on tue toujours à contrecœur. Le 3e acte de Foxtrot remet à l'avant-scène la famille endeuillée du début du film. Sauf que cette fois-ci il est question d'un vrai deuil. L'atmosphère fait penser à Ingmar Bergman, l'esprit général du film à la tragédie grecque. Il n'est pas certain que le réalisateur soit au mieux de son potentiel en cultivant ces références.

Foxtrot, Samuel Maoz (le film est sorti mercredi)