Mercredi 9 mai 2018 par Ralph Gambihler

Everybody knows

Les esprits les mieux intentionnés ont réussi à dénicher une touche bergmanienne au dernier Asghar Farhadi. Soit, mais alors c'est Bergman + L'Affaire Dominici. Autant l'admettre d'emblée: il n'y a rien à sauver de cette cuvée iranienne dans les vignobles espagnols, l'enlèvement d'une jeune fille en plein mariage faisant office de paravent à de vieilles mésententes domaniales.

On savait, certes, que le réalisateur de La Séparation ne relevait pas vraiment du foudre de guerre côté vivacité. Il n'empêche que ses deux précédents films, Le Passé et Le Client, témoignaient au moins d'une tension sourde et d'un art du trouble propices à une relative indulgence. Les paramètres d'un casting quatre étoiles et d'une co-production franco-hispanico-italienne réduisent malheureusement en cendres un univers qui vire ici au sitcom moisi. Noces en grande pompe, panne d'électricité, pluviométrie nocturne censée alourdir l'atmosphère...

L'exposition du drame- comme sa résolution, d'ailleurs- n'en finit pas. Dans le rôle de la mère éplorée, Penelope Cruz. Son ex-amant, c'est évidemment Javier Bardem, le moins-que-rien d'autrefois qui s'est bâti un patrimoine vinicole par la seule force du poignet. Comme il porte très bien la boucle d'oreille, Penelope oublie la lutte des classes et lui fait les yeux doux. Surtout qu'il pourrait aider au versement de la rançon, le bougre ! Après tout, il est peut-être plus concerné qu'il ne le pense par le sort de la jeune fille kidnappée...

On se contrefiche tellement de ce qui arrive aux personnages qu'on n'a même pas le cœur à ricaner lorsque surviennent ces secrets d'alcôve. Pour le reste, les clichés sur l'Espagne retorse et farouche polluent sans vergogne ce qui n'est en fin de compte qu'un thriller de série Z. C'est avec son plus mauvais film qu'Ashgar Farhadi vient d'ouvrir le 71e Festival de Cannes.

Everybody knows, Ashgar Farhadi, Cannes 2018 (Sortie en salles ce mercredi)