Paranoïa
Si on prend évidemment comme repères Shock Corridor, Répulsion et Vol au-dessus d'un nid de coucou, le dernier Steven Soderbergh risque d'en laisser plus d'un sur sa faim. En revanche, au rayon friandises, le réalisateur multi-genres (vous voyez le point commun, vous, entre Ocean's Eleven, Che et Ma vie avec Liberace ?) se sort assez honorablement de son odyssée clinique filmée à l'iPhone avec dans le rôle principal Claire Foy croisant son harceleur dans l'asile où elle vient d'être internée malgré elle.
À charge pour le spectateur de vérifier si cette descente aux enfers correspond vraiment à la réalité ou si elle ne relèverait pas plutôt d'une névrose tentaculaire. Dans le premier cas de figure, le scénario ne s'embarrasse pas de quelques fâcheux pointillés: comment se fait-il, par exemple, que ce personnage de prédateur (impeccable Joshua Leonard en nounours aux pulsions destructrices...), surtout dans un établissement aussi douteux que cachotier, décroche si facilement un poste d'infirmier ?
Reste la seconde hypothèse selon laquelle Claire Foy campe une jeune femme ayant beaucoup d'imagination. Sauf que Soderbergh n'est pas Polanski. Sa si légère caméra-smartphone surprend, certes, par certains angles rapprochés et autres cadrages un peu branques sans toutefois réussir à développer un véritable climat anxiogène. Bref, même pas peur... Et puis le iPhone, c'est comme la 3D: au fil du temps, on s'y habitue et on l'oublie.
Difficile, en même temps, d'être insensible à la texture fluide de l'ensemble ainsi qu'à ses versants vintage. Surtout lorsqu'apparaît en mode flashback un certain Matt Damon -non indiqué au générique- dans le rôle d'un détective rendant compte de tout ce qui change dans le quotidien d'une femme lorsqu'elle tente de trouver la parade face à un harcèlement. Prodigieusement bien filmé, ce monologue ! D'avantage encore que lors des scènes à l'hôpital, il permet d'explorer le sens même d'une réalité altérée.
Paranoïa, Steven Soderbergh (Sortie en salles ce mercredi)