Cold War
Le jazz a bon dos dans Cold War. Son réalisateur, le Polonais Pawel Pawlikowski, avait déjà fait le malin en citant John Coltrane dans le surestimé Ida. Les enluminures du récit et le glacial ennui qu'il dégageait se situaient pourtant aux antipodes de l'ébullition coltranienne.
Prix de la mise en scène à Cannes, Cold War s'efforce à son tour de faire swinguer une romance contrariée entre Paris et Varsovie du temps de la Guerre Froide. Résultat: une enfilade de clichés (en noir et blanc), mais aussi un certain malaise au regard de ce que le jazz incarne réellement aux yeux du cinéaste. Deux scènes en témoignent.
Dans la première, Wiktor, musicien brimé dans la Pologne stalinienne d'après-guerre, se prend pour Chopin lorsque Zulda, jeune chanteuse qu'il a découverte et dont il s'est épris, lui inflige une première contrariété affective. Ne voilà-t-il pas qu'en plein gig dans un club, il se lance dans un solo au piano complètement désespéré et pas vraiment syncopé, au grand dam de ses deux sidemen, un batteur et un contrebassiste noirs qui l'observent comme si c'était un extra-terrestre. Bref, le jazz symbole de l'insensibilité. Les peines de cœur, ils ne savent pas ce que cela veut dire, les deux Blacks.
Encore plus édifiante, cette seconde scène de club dans laquelle Zulda s'ennuie à mourir alors que Wiktor glose avec ses potes. Soudain, changement de musique. À un slow langoureux d'on ne sait plus quelle Jazz Lady succède un Rock around the clock qui électrise littéralement la jeune femme, laquelle se met à danser joyeusement au milieu du plateau. La séquence est superbement filmée et la blondeur de Joanna Kulig irradie l'écran, mais le jazz, à quoi est-il associé dans cette scène ? On retrouve là les ambiguïtés et les écueils de La La Land. Un La La Land au pays des Soviets, finalement, ce qui ne dissipe en rien le malaise général.
Cold War, Pawel Pawlikowski , prix de la mise en scène au Festival de Cannes (le film est sorti mercredi)