Thyeste
Sanglante fratrie. Autrefois humilié par Thyeste qui lui disputait le trône d'Argos jusqu'à lui piquer sa femme pour arriver à ses fins, Atrée fait mine de pardonner en rappelant l'usurpateur d'exil. La vengeance, pour le coup, sera un plat qui se mange froid... et chaud, le jeune tyran n'hésitant pas à trucider et à ébouillanter ses neveux avant de les servir à dîner à son frangin.
Après Shakespeare, c'est donc auprès de Sénèque que Thomas Jolly nourrit son génie gothique. Un choix de répertoire qui laisse à peine moins circonspect, avouons-le, qu'au printemps de l'an passé lorsque le jeune metteur en scène ramait péniblement après Le Radeau de la Méduse, un texte poussif de l'Allemand Georg Kaiser.
Que nous dit de notre époque cette antédiluvienne monstruosité antique? Avec tous ses défauts, quelqu'un comme Julien Gosselin nous parle bien plus directement en adaptant l'œuvre romanesque de Don DeLillo. Ne restent que les plaisirs du ring dans cette Grande Halle de la Villette. Ils ne sont pas négligeables. Après une mise en bouche laborieuse lorsque paraît le maudit Tantale, l'aïeul d'Atrée et Thyeste, le choc entre les deux frères tient ses promesses. Puissance des mots et des arrière-pensées, prestation haute en couleurs de Jolly lui-même en Atrée maléfique... La partition, aussi bien sur le plan scénique que musical, trouve un rythme d'enfer que ponctue des effets visuels particulièrement impressionnants ainsi qu'une slameuse et un chœur d'enfants.
Toutes ces options dépoussiérage, on le sait, rendent l'art de Thomas Jolly toujours aussi stimulant, et on ne peut guère lui faire grief de malmener l'esprit profond des œuvres qu'il monte sur scène. L'une de ses modalités, en revanche, nous interpelle. Le recours au micros hf est-il toujours pertinent, surtout lorsque les acteurs gémissent et hurlent dedans ?
Thyeste, d'après Sénèque, mis en scène par Thomas Jolly. A la Grande Halle de la Villette, à Paris, jusqu'au 1er décembre.