Le Roman du Jazz 2018
JANVIER 2018 :
-L’année débute avec un artiste à la singularité de plus en plus nécessaire, le saxophoniste et clarinettiste Raphaël Imbert dont le nouveau projet, Music Is My Hope, entrecroise l’humanisme militant de Paul Robeson et la tendresse d’un chant occitan. Consacré dans la catégorie « album inclassable » par les Victoires du Jazz.
-Une nouvelle voix au royaume des Jazz Ladies… Alors que Cécile McLorin-Salvant empoche le 2e Grammy Award de sa déjà si belle carrière, c’est la délicieuse et fantasque Camille Bertault qui explose d’authenticité dans un disque dont le titre est tout un programme, Pas de géant, album tout en variations joueuses et poétiques.
-En guise de rééditions, d’inédits et d’albums oubliés ou perdus, 2018 aura fait très fort, à commencer par ce In Paris signé du guitariste Wes Montgomery et exhumé pour le 50e anniversaire de sa disparition... Un enregistrement mémorable, en mars 1965, au Théâtre des Champs-Elysées, à Paris.
-Janvier 2018, c’est également l’Afrique du Sud qui pleure Hugh Masekela, Orléans et la Nouvelle-Orléans qui concrétisent leur jumelage à l’occasion du tricentenaire de la Cité du Croissant, sans oublier un talent bluffant, celui du pianiste libanais Tarek Yamani dont l’album Peninsular marie avec brio chromatiques new-yorkaises et rythmes du Golfe persique.
FEVRIER 2018 :
-Un archet en hiver. Didier Lockwood nous lâche à seulement 62 ans. Depuis la mort de Michel Petrucciani, il y a près de dix ans, son violon fougueux, virtuose et éclectique en avait fait l’ambassadeur de la note bleue le plus apprécié du grand public.
-La ville de Nantes célèbre le centenaire du premier concert de jazz sur le sol européen. C’était sur le sol nantais, justement, le 12 février 1918, avec sur scène l’orchestre du lieutenant James Reese Europe, tout juste débarqué de Brest avant de monter au front de la Première Guerre Mondiale.
-Quincy Jones balance… et Quincy Jones s’excuse ! Tout en roue libre dans une longue interview à un magazine américain, le légendaire Mister Q. en raconte des vertes et des pas mûres sur Marilyn Monroe, Ray Charles ou encore Michael Jackson. Après s’être fait remonter les bretelles par ses filles, Quincy admettra avoir cédé à l’esprit de « médisance ».
-Février 2018, c’est également Henri Texier qui revisite son répertoire dans son nouvel album, Sand Woman, et puis au cinéma le succès planétaire de Black Panther, dernier-né des studios Marvel, ainsi que cette séquence insolite du film oscarisé La Forme de l’Eau, de Guillermo del Toro, une sorte de Belle et la Bête où la Belle initie la Bête à… Benny Goodman !
MARS 2018 :
-Quand un bluesman anglais résidant à Montreuil crapahute à La Nouvelle-Orléans, les Français adorent… Après son hommage à Nat King Cole, Hugh Coltman cartonne avec Who’s Happy, un disque gorgé de saveurs qu’il a enregistré dans un ancien temple presbytérien.
-Elle avait créé avec George Wein « La grande parade du jazz », ancêtre du Nice Jazz Festival. Adieu Simone Ginibre... Deux mois plus tard, c’est une autre programmatrice essentielle de la note bleue qui nous quitte, Lorraine Gordon, l’âme du Village Vanguard à New-York.
-Il avait déjà ouvert un club au cœur de la 52e Rue à New-York, le bassiste Richard Bona récidive aux abords de la Seine Musicale, à Boulogne-Billancourt, en inaugurant le Club Nubia, et c’est Manu Katché, complice de toujours de Richard Bona, qui ouvre les festivités.
-Mars 2018, c’est également une première cuvée Keith Jarrett avec le disque After the Fall (2e cuvée à l'atomne avec La Fenice...), une belle biographie du penseur du Tout-Monde, Edouard Glissant, saluée sur notre antenne par Grégory Privat et Raphaël Imbert, ainsi qu’un autre beau livre dédié aux années Saravah, le label du regretté Pierre Barouh, et signé par son fils, Benjamin Barouh…
AVRIL 2018 :
-Al Musiqa ou les ballades du monde arabe… Du Maghreb à la péninsule arabique, c’est tout un univers vocal et musical auquel la Philharmonie de Paris consacre une expo-événement rythmée notamment par un concert d’Anouar Brahem.
-Bijou Voyou Caillou… Pour son 4e album au titre si évocateur, le pianiste Florian Péllissier fait jaillir un groove particulièrement exaltant inspiré de ses fréquentations vaudous au Togo et au Bénin.
-Un vendredi noir, ce 6 avril… Chanteur, comédien et poète biberonné au jazz, Jacques Higelin tire sa révérence… Tout comme Cecil Taylor, acteur majeur de l’avant-garde jazzistique.
-Avril 2018, c’est également cette journée spéciale que nous consacrons au duo Marion Canonge/Michel Zenino pour leur album hyper classos Quint’Up, l’un des grands maîtres du piano-bop, Barry Harris ,en master class sur toute une semaine à Paris, sans oublier l’épicentre russe de la Journée Internationale du Jazz qui a lieu cette année à Saint-Pétersbourg…
MAI 2018
-Après trois semaines de calvaire, le trompettiste guadeloupéen Franck Nicolas cesse sa grève de la faim. Aux abois sur le plan financier, il a aussi voulu attirer l’attention sur le sort des musiciens antillais ignorés par les programmateurs de festivals.
-Bain de jouvence pour la B.O. de Ascenseur pour l’échafaud. Sur cette réédition de la musique de Miles Davis pour le célèbre film de Louis Malle, on trouve un inédit encore jamais paru et qui permet d’entendre, aux côtés du trompettiste, René Urtreger, Pierre Michelot, Kenny Clarke et Barney Wilen.
-Sous les pavés, le jazz… 50 ans après Mai 68, l’ancien critique de Libération, Serge Loupien, revisite toute une période musicale de croisements et d’éclosions dans un bouquin passionnant intitulé La France Underground…
-Mai 2018, c’est également les quatre fois vingt ans de l’indispensable Daniel Humair, la jazzosphère qui s’agite à nouveau sur des propos peu amènes de Wynton Marsalis à l’égard du rap, ainsi qu’un très beau spectacle à Paris, Miss Nina Simone, dédié à l’interprète de Feeling Good…
JUIN 2018 :
-John Coltrane plus vivant que jamais En exhumant sous le titre Lost Album des inédits miraculeux datant de 1963, le label Impulse ! déclenche une « coltranemania » inattendue. Le disque va trôner en tête des ventes jazz durant tout l’été. Il parvient même à se hisser –ce qui n’était jamais arrivé à son auteur de son vivant- à la 21e place du prestigieux classement américain Billboard 200…
-Son aura ne s’est en rien dissipée, 10 ans après sa disparition prématurée… Le label ACT célèbre Esbjörn Svensson et son fabuleux trio E.S.T. avec la sortie d’un double album inédit enregistré en live à Londres en 2005.
-La démesure Kamasi Washington a encore frappé, et son succès ne lui vaut d’ailleurs pas que des amis, au saxophoniste californien le plus hype du moment… Avec Heaven & Earth, il reste en tout cas fidèle à ses inspirations célestes, et il s’offre même le luxe d’intégrer un 3e CD caché dans son double album.
-Juin 2018, c’est également le retour de Marcus Miller avec le disque Laid Back, une grande exposition sur le jazz à Limoges ainsi que l’ouverture du festival Jazz à Vienne où la grande Rhoda Scott s’apprête à souffler ses 80 bougies…
JUILLET 2018
-Dernière bonne nouvelle du Brésil avant un bien sombre automne… Le mythique Hermeto Pascoal est en tournée en France. Dans une interview, il déclare qu’ « aucune dictature ne résiste à la musique, rien ne résiste à la musique »…
-Ce n’est pas un orage qui aura eu raison de Gregory Porter… Lors du 70e Nice Jazz Festival et malgré un report obligé de 24h pour raisons de sécurité, le crooner offre à ses fans un concert très attendu, entouré d’un orchestre symphonique.
-Un nouveau patron pour l’ONJ, l’Orchestre National de Jazz… C’est le guitariste Frédéric Maurin, fondateur de l’ensemble Ping Machine, qui va succéder à Olivier Benoit.
Juillet 2018, c’est également l’adieu au si attachant pianiste néo-orléanais Henry Butler, le festival jazz de Montréal contraint de déprogrammer le metteur en scène Robert Lepage accusé de se réapproprier la culture noire, ainsi qu’une exposition joliment intitulée Jazz & Love du côté de Marseille…
AOÛT 2018 :
-Il était une voix… Aretha Franklin n’est plus, et c’est toute la Great Black Music qui est endeuillée par la disparition de l’une des personnalités les plus toniques et les plus incarnées de l’histoire de la soul…
-60 ans de carrière, et toujours bon saxo bon œil… A 85 ans passés, Wayne Shorter sort chez Blue Note un triple album, Emanon, composé notamment de deux lives avec un bonus un roman graphique mêlant science-fiction, dessin et philosophie. Chapeau bas !
-« Le jazz, ça déménage ! »… Pas question, sur ce point, de contredire notre regretté Cabu à l’heure où TSFJAZZ quitte son QG de Ledru-Rollin pour voguer désormais sur les Grands Boulevards…
-Août 2018, c’est également la 41e édition de Jazz in Marciac qui joue plus que jamais le mélange des genres avec le duo Wynton Marsalis/Ibrahim Maalouf ou encore Joan Baez, et puis c’est aussi les premières nouveautés de la rentrée : Vincent Peirani, Madeleine Peyroux ou encore Tony Bennett en cheville avec Diana Krall…
SEPTEMBRE 2018 :
-Chicago sur Seine ! Spectacle iconique de Broaway, le musical Chicago s’installe à Mogador, à Paris. C’est le génial Bob Fosse qui l’avait adapté sur les planches au milieu des années 70…
-C’était l’un des derniers géants de la note bleue… Le pianiste Randy Weston, prophète et missionnaire d’un jazz ouvert sur l’Afrique, s’éteint à l’âge de 92 ans.
-Célébrations en tous genres au festival Jazz à la Villette avec la reformation du trio historique d’Avishai Cohen, les 20 ans de l’album Bending New Corners d’Erik Truffaz…
-Septembre 2018, c’est également Thomas Dutronc qui entre dans l’écurie du label Blue Note, Shaï Maestro impérial leader chez ECM, le nouveau projet de Jacques Schwarz-Bart, sans oublier Ibrahim Maalouf en mode symphonique avec sa Levantine Symphony…
OCTOBRE 2018:
-Notre "claque de l'année" débarque de Seattle pour trois soirs au Duc des Lombards. Son nom ? Delvon Lamarr, nouveau prince de l'orgue Hammon B3 avec son premier album, Close But No Cigar...
-Sur l'autel de la virtuosité et dans l'écrin néogothique de la cathédrale américaine de Paris, le pianiste et chanteur néo-orléanais Jon Batiste signe un concert particulièrement vibrant.
-Des femmes enfin récompensées aux Victoires du Jazz, à commencer par Cécile McLorin-Salvant. On n'oublie pas non plus la Victoire d'honneur décernée à Rhoda Scott et celle de la personnalité médias de l'année qui va à notre ancienne collègue de TSFJAZZ Nathalie Piolé.
-Octobre 2018, c'est également le souvenir de deux belles collaborations de Charles Aznavour avec le monde du jazz à l'heure où nous quitte l'interprète de La Bohème, Giovanni Mirabassi fêtant ses 20 ans de carrière au Pan Piper à Paris , ainsi que la sortie sur nos écrans, toujours au rayon jazz option B.O,. de Cold War, prix de la mise en scène au festival de Cannes.
NOVEMBRE 2018:
-Pour toute une génération, c'était l'emblème d'un jazz gorgé de modernité et d'ouverture. Le trompettiste Roy Hargrove décède à seulement 49 ans. Tout en charisme et en élégance, il incarnait le jazz des clubs, ancré dans le néo-bop tout en se nourrissant de hip-hop et de funk.
-Deux Café de la Danse à Paris et un sacré voyage en la circonstance ! Samy Thiébault et ses Caribbean Stories, Omer Avital et son Qantar tout en swing et en variations orientales... On en redemande !
-Après Monk, Pannonica ... Le 30e anniversaire de la disparition de la grande amie de Thelonious Monk, un an après le centenaire de la naissance du pianiste, inspire deux ouvrages dédiés à l'auteur de 'Round Midnight... Deux récits richement illustrés, par ailleurs, chacun à leur manière. L'un est signé Roland Brival, l'autre, d'avantage ancré dans l'art graphique, nous révèle toutes les intuitions de Youssef Daoudi.
-Novembre 2018, c'est également un vrai coup de cœur pour Facing Dragons, le nouveau disque du pianiste Christian Sands, la renaissance discographique de Lisa Ekdahl, un duo tout en saveurs dédié à Louis Armstrong de la part de Éric Le Lann et Paul Lay tandis que le Amazing Keystone Big Band s'attaque avec toujours autant de brio au répertoire d'Ella Fitzgerald.
DECEMBRE 2018:
-Gregory Porter dévoile son premier album live, One Night Only, enregistré à Londres, au Royal Albert Hall, avec à ses côtés un orchestre symphonique dirigé par l'arrangeur/chef d'orchestre Vince Mendoza.
-Nancy for ever... Adieu Nancy Wilson et sa classe indéniable... Cette grande chanteuse adoubée par Cannonball Adderley était par ailleurs profondément engagée dans le mouvement des droits civiques.
-Que de belles notes entre deux photographies à la Philharmonie de Paris avec l'exposition Robert Doisneau et la musique ! Une belle balade en perspective dans Paris et sa banlieue. Le jazz y a tout sa part, avec des photos de Django Reinhardt, Claude Luter ou encore Mezz Mezzrow...
-Décembre 2018, c'est également le retour très émouvant de Jean-Louis Trintignant et de l'accordéoniste Daniel Mille sur la scène parisienne, une nouvelle fréquence pour TSFJAZZ à Toulon tandis que notre site Internet fait peau neuve. On referme l'année avec la fanfare du Nola French Connection Brass Band qui rythme en beauté la 16e soirée You & The Night & The Music organisée par notre radio à la salle Pleyel à Paris.