Uncut Gems
New-York a la fièvre, Howard Ratner aussi. Menacé par des mafieux à qui il doit une énorme somme d'argent, voilà que ce bijoutier magouilleur a mis la main sur un joyau rare, une opale venue d'Ethiopie qu'il s'apprête à monnayer très cher, surtout lorsqu'une star du basket la convoite comme talisman.
Le pitch vaut ce qu'il vaut, mais la trajectoire a bien plus de consistance que dans Good Time, le précédent film des frères Josh et Benny Safdie qui ne cessait de bifurquer vers l'anecdotisme. Ici, c'est le mouvement inverse, dans une jungle new-yorkaise encore plus âpre et plus désaccordée au gré des montagnes russes que le personnage principal encaisse. À peine se croit-il sorti d'affaire qu'une nouvelle avanie lui tombe dessus. Qu'importe, ce "looser" au tempérament de "winner" y croit, pariant dans tous les sens du terme sur une réussite que sa tchatche encourage mais que son comportement désarçonne en permanence.
Cette métaphysique "light" initialisée par une incertaine séance de coloscopie, les frangins Safdie ont également le bon goût de la connecter à un humour juif typiquement new-yorkais. Entre la référence aux falachas éthiopiens et le repas familial de Pessah -La Pâque juive- les références abondent, et kamikaze rime forcément avec ashkénaze. Surtout avec un personnage aussi hâbleur, à la fois mari volage et ado éternel. La dégaine survoltée d'Adam Sandler, tout en humanité virevoltante (même si jusque là on le connaissait surtout pour ses comédies potaches...), donne évidemment à un tel profil une épaisseur inénarrable.
Uncut Gems, Josh et Benny Safdie, sur Netflix depuis le 31 janvier.