Le Sel des larmes
Le cinéma de papa, dans sa contingence désuette. Avec Le Sel des larmes, Philippe Garrel met en scène les émois d'un apprenti-ébéniste qui sort de sa province pour passer le concours de l'école Boulle à Paris. Trois femmes rencontrées successivement sont censées lui offrir une éducation sentimentale. Il se comporte assez mal avec deux d'entre elles et souffre avec la troisième sous le regard attendri de son menuisier de père, un brave bonhomme qui a bien compris qu' "en matière de meubles, on a déjà tout inventé ".
On ne saurait mieux dire. Autrefois encensé comme le nouveau Godard, Philippe Garrel est passé de l'underground à une sorte d'académisme aussi confidentiel qu'intemporel avec, pour donner le change, de beaux écrins en noir et blanc. La fameuse voix off à laquelle François Truffaut a donné ses lettres de noblesse prend ici un vernis antédiluvien. Surtout quand c'est pour entendre un truc du genre:«Ce qui préoccupait Luc à cette époque, c’était qu’il n’était pas sûr que l’amour existe.»
Une fraîcheur d'interprétation -celle de Oulaya Amamra, césar du meilleur espoir féminin pour Divines, limite un peu la casse dans le premier tiers du récit. L'acteur principal, en revanche, est d'une fadeur qui rend encore plus irritante la lâcheté de son personnage. Le personnage du père embarrasse tout autant. Malgré toute l'estime qu'on peut avoir pour André Wilms, applaudi plusieurs fois au théâtre, force est d'admettre qu'il en fait des tonnes dans le rôle du paternel complice et ultra-sensible qui ne veut surtout pas s'imposer aux yeux de son fils mais qui se fait tout de même bien remarquer.
Une scène de bagarre avec des racistes et une séquence discothèque sur Fleur de ma ville du groupe Téléphone arrivent là comme un cheveu sur la soupe. Cette citation musicale rappelle toutefois de beaux souvenirs.
Le Sel des larmes, Philippe Garrel (le film est sorti mercredi)