Jeudi 24 décembre 2020 par Ralph Gambihler

Love Is Everywhere (Laurent Bardainne et le Tigre d'eau douce)

Ce fut l'album du premier confinement, celui qui berçait le palpitant et accompagnait nos mises en quarantaine alors que le pays se "covidait" à double tour. Cela faisait un bien fou, ces titres au parfum d'ailleurs: Apaches, Cabane ou encore Le Vent, les arbres, les oiseaux... Ces effluves d'enfance, également, à l'écoute de Bachibouzouk, sans oublier les clochettes et la voix d'une petite fille au début de Everlasting Child. Un jazz parmi d'autres, celui de Laurent Bardainne & Tigre d'eau douce, son nouveau projet, prenait particulièrement soin de nous.

Drôle de tigre, en vérité, tel un félin bondissant dont le saxophoniste serait la réincarnation, renonçant aux limbes hypnotiques et alanguies du groupe Limousine dont il est l'un des piliers pour une tonalité plus spontanée. C'est du moins ce que suggère, entre autres titres, le groove énergique de Marvin en hommage à Marvin Gaye. La face mélancolique de Laurent Bardainne n'est pas pour autant reléguée au vestiaire même si un roulis d'orgues (Arnaud Roulin) l'enguirlande d'un vernis soul-jazz qui donne à l'album toute sa luminosité.

Il est vrai que la sonorité particulière du saxophoniste relève toujours de cette alchimie particulière entre robustesse et fêlure. Un feulement, peut-être, puisque paraît-il le tigre (d'eau douce) est en lui. Il galope en pleine savane dans Kinshasa au gré des percus décapantes du vétéran guadeloupéen Roger Raspail, ou alors se love, fragile et indolent, dans Insolente et Song Dong Hee, ce dernier titre étant également emprunt de versants easy-listening au beau sens "zornien" du terme. Le spoken-word d'Anthony Joseph, le poète de Trinidad, apporte une touche de jazz spirituel et couronne en beauté, avec Star 5, cet ensemble de "good vibes". Bref, même plus envie de se déconfiner.

Love Is Everywhere, Laurent Bardainne & Tigre d'eau douce (Heavenly Sweetness)