Romy Schneider, la grâce inflexible (à la Cinémathèque)
Commissaire d'exposition ou bonne fée ? Clémence Derouville a pris l'habitude d'enrober de couleurs vives les sujets de ses scénographies. De Barbara à Georges Brassens, elle met en lumière leur liberté, leur fantaisie et leur état de grâce avec un humanisme que n'aurait pas désavoué son grand-père, un certain Robert Doisneau. Grâce à elle et à travers une mise en espace aérée au cinquième étage de la Cinémathèque française, Romy Schneider échappe enfin aux clichés de la star maudite, 40 ans après sa disparition.
Photos, costumes et extraits de films valorisent au contraire une femme et une comédienne en quête d'émancipation et de maturité à la moindre occasion. C'est le mantra de tous ses zigzags, cette quête inflexible, comme le montre dans l'exposition le voisinage entre la série des Sissi et le moment Ludwig, le film somptueux de Luchino Visconti. Romy Schneider y incarne le même personnage mais à quinze ans d'intervalle et dans un esprit tout autre, aux antipodes de la mijaurée bavaroise qu'elle avait fini par détester.
Elle a tant aimé s'encanailler, si pressée de jouer sans maquillage sous la direction d'Orson Welles dans Le Procès, partie prenante de l'improbable casting réuni par Woody Allen dans Quoi de neuf, Pussy Cat ?, faisant la bringue avec Marguerite Duras durant le tournage d'un film de Jules Dassin... Elle vibre également en contemplant New York de haut dans l'une des plus belles photos de l'expo tandis que de ses amours avec Alain Delon on retient surtout sa présence sur le tournage du Guépard. Elle ne joue pas dans le film mais Visconti a déjà repéré la lionne.
Avec Claude Sautet ce ne sera pas un énième zigzag mais un tournant. Après Les choses de la vie, il ne pense pas toujours à elle côté casting mais elle se rappelle toujours à lui. "Fais-moi un film de bonne femme !", lui lâche-t-elle au moment de Une Histoire simple. Plein de mémos et de télégrammes témoignent de ce lien indéfectible. Elle se réjouit qu'il la "connaisse avec le cœur et par cœur " même si de son côté, elle affirme aussi le connaître avec le cœur... mais pas forcément par cœur.
On ne la connaissait pas en tout cas à ce point enjouée, notre Romy, même lorsqu'elle tourne un film aussi difficile que L'Important c'est d'aimer d'Andrzej Zulawski avec là encore une photo rare, radieuse comme tout lorsque le jeune cinéaste polonais la porte dans ses bras. Le volet allemand est traité davantage en pointillés. Du Vieux fusil à La Passante du San-Souci (sans oublier Le Train...), Romy Schneider se bat contre l'hydre nazie et ses survivances, mais aussi contre ses traumas de gamine faisant risette avec Hitler dans le nid d'aigle où sa mère, Magda, avait ses entrées, ce que ne mentionne pas l'exposition.
Excès de pudeur ? Elle se justifie bien mieux lorsqu'il s'agit de contourner les ruptures et les drames familiaux. Contrairement à ce qu'on imaginait, David, le fils tant aimé, était encore en vie lors du tournage de Garde à vue, l'un des rôles les plus sombres de Romy Schneider. Une photo les montre épanouis tous les deux lors de la post-synchronisation du film. L'avenir lui souriait encore, quoi qu'on en pense après coup. La Cinémathèque ressuscite ce sourire.
Romy Schneider, la grâce inflexible, une exposition à voir jusqu'au 31 juillet à la Cinémathèque française, à Paris.