Retour à Montreux
Crédits photo: FFJM 2022/Marc Duscrest
Cet article a été publié sur le site du magazine VOGUE sous le titre: "Le Montreux Jazz Festival, toujours à l'heure d'été ! "
Montreux, terre d'écrins. Le terme revient souvent dans la prose de Mathieu Jaton, le successeur de Claude Nobs, alias "Funky Claude", comme on surnommait le fondateur du Montreux Jazz Festival disparu en 2013. L'écrin ou la bulle, comme on veut: les flâneries sous les palmiers de la Riviera suisse, le lac Léman et ses eaux turquoise, les Alpes en majesté... De quoi lustrer d'agréments cette 56e édition après deux ans de pandémie.
L'écrin vaut aussi pour les têtes d'affiche. À l'instar de ce guitariste de légende qu'est John McLaughlin, les musiciens n'hésitent pas à prolonger leur séjour lémanique, improvisant rencontres et jams au-delà du Centre des Congrès, vaisseau-amiral du festival. Comme le souligne Mathieu Jaton, "dans ce monde de la musique où tout va si vite, les artistes ont le temps ici de se poser et de se retrouver. Pour eux, Montreux est à la fois une bulle d'hospitalité et de créativité. C'est le plus beau cadeau qu'on puisse leur faire et le plus beau cadeau qu'ils nous rendent ".
Ce soir-là, le cadeau s'appelle Melody Gardot. C'est la première fois qu'elle remplit l'auditorium Stravinsky avec ses 4000 places et son acoustique unique. Concert tout en intimité avec une chanteuse délicieusement introvertie sans que rien ne vienne ternir son panache. Les accents brésiliens de son nouvel album en accentuent la délicatesse, les nuances et le sens du partage dont elle témoigne vis-à-vis de ses musiciens, à commencer par le pianiste Philippe Powell (le fils de l'illustre Baden Powell !). Quant à l'exubérance virtuose d'Irvin Hall au saxophone, elle fait prodigieusement contrepoint à la grâce toute en pudeur de Melody Gardot.
Dans la salle à côté, le Montreux Jazz Lab, c'est Michael Kiwanuka qui tient la vedette avec son répertoire emprunt de soul et de rock électrique. Ici, la jauge ne dépasse pas les 2000 personnes debout. Configuration étonnante alors même que l'artiste peut remplir des salles bien plus grandes sauf que là encore, le micro-climat ouaté propre à Montreux prime sur le gigantisme. De quoi nuancer la réputation d'un festival "Rolls-Royce" perçu comme attrape-tout dans ses têtes d'affiche, le jazz étant réduit à portion congrue. Il suffit pourtant de citer Quincy Jones créditant Claude Nobs de ne pas remettre les jazzmen dans une "boîte à chaussures", mais de les inclure au contraire dans un "écrin" plus large, partagé avec le rock et les musiques actuelles.
"Un festival de stars ? Les stars qui viennent ici, en tout cas, ne se comportent pas comme des stars ", surenchérit François-Henry Bennahmias, CEO d'Audemars Piguet, le célèbre haut horloger, partenaire du festival depuis 2019. "Chez nous aussi en quelque sorte, les jauges sont limitées. On ne fabrique pas des montres en masse. Elles sont d'abord destinées à une communauté de passionnés qui peuvent aussi venir écouter de la musique à Montreux dans une ambiance idéale ". Le haut de gamme à visage humain, en somme.
Montreux Jazz Festival, 1er-16 juillet 2022