Leila et ses frères
Le nouveau film de Saeed Roustayi, révélé il y a un an avec le thriller La Loi de Téhéran, bénéficie d'une vivifiante entrée en matière: une usine en faillite fermée sans préavis, ses ouvriers molestés et chassés après avoir tenté de manifester... La séquence et l'intensité visuelle qui l'accompagne semblent ouvrir la voie à une saga d'enfer sur l'Iran contemporain, mais quand l'un des ouvriers désormais licencié rentre chez lui pour rejoindre sa smala, on tombe soudain de très très haut.
L'écran se referme, de fait, sur une double intrigue: un patriarche caractériel tente de se faire introniser comme le "parrain" d'un vaste clan. Il lui faut pour cela réunir des pièces d'or qu'il a pris soin de dissimuler à sa propre famille pour financer le mariage d'un cousin. La famille fait grise mine, forcément. Surtout Leila, qui subvient seule aux besoins de ses quatre frères, puisque le dernier vient d'être licencié de l'usine.
C'est la plus émancipée de tous, Leila, la plus rebelle au système patriarcal que son avare et acariâtre de père symbolise. L'intrigue parallèle à l'odyssée du vieillard la voit en train de bousculer ses frangins pour financer l'achat d'une boutique et monter un business familial. L'affaire vire au fiasco, sur fond de sanctions américaines contre l'Iran et de dévaluation de la monnaie nationale.
Pour en arriver jusque là, le spectateur aura tour à tour sombré pendant la première heure du film noyée de dialogues explicatifs, émergé lors d'un premier grand morceau de bravoure -la scène du mariage- et enduré jusqu'au final (le film dure trois heures) plusieurs rebondissements scénaristiques qui sont un peu la marque de fabrique d'un certain cinéma iranien tel qu'en raffolent les festivals. Leila et ses frères, on l'aura compris, ne pèche pas par manque de densité. On peut largement lui préférer cependant Les Nuits de Mashhad, l'autre film iranien présent à Cannes cette année et que la presse a plutôt mal accueilli. Malgré son ambiance poisseuse, on y respirait davantage.
Leila et ses frères, Saeed Roustayi, en compétion au festival de Cannes (le film est sorti le 25 août)