Dimanche 17 avril 2011 par Ralph Gambihler

Yom et les Wonder Rabbis à la Maroquinerie

Ils ne payent pas de mine, à première vue,  avec leurs binocles et leur air timide, mais attention, c'est un leurre... Tel Clark Kent avant qu'il ne se transforme en Superman, les Wonder Rabbis qui entourent  le clarinettiste Yom dans le sous-sol de la Maroquinerie (Paris 20eme) portent la foudre avec eux: Sylvain Daniel est à la basse, Manuel Peskine aux claviers, Emiliano Turi à la batterie... Nappes rugissantes et cascade de tonnerres plongent rapidement la salle dans un beat à la fois psyché, électro-jazz et new wave qui propulse dare-dare l'ancestrale musique klezmer en pleine science-fiction !

Et ça décoiffe dés le premier titre avec l'hypnotique "Kaddish for Superman", morceau emblématique du nouvel album fignolé sur le thème des super-héros. On y revient, à Clark Kent... Yom n'a pas oublié que les inventeurs de "Superman" étaient juifs et que leur héros, ils l'ont créé en pleine montée des périls nazis... C'est déjà ça qu'elle hurle, la clarinette de Yom, le volume à fond, surnageant au milieu des nappes rugissantes et des cascades de tonnerres, lessivant la vieille patine un peu plaintive des chants klezmer pour en faire un cri de rage presque post-punk  face aux hontes du passé et aux maux du présent, avec des morceaux aussi secouants que "Killing a Gypsie" ou encore, tragique anticipation de ce qui vient de se passer au Japon,  "Picnic in Tchernobyl"...

Le Klezmer, ou plutôt "l'extra-Klemer" s'énerve donc, façon John Zorn... Il peut aussi voyager dans la cartographie fantasmée de son super-héros d'un soir, s'abreuver de multiples références, du son de Brian Eno aux trips orientaux de Jimmy Giuffre dans les années 70, traîner à la fois ses guêtres dans l'ambiance surchauffée des boîtes de nuit qui longent le beau Danube quand il n'a plus rien de bleu  ("Along the Red Danub")  tout en allant faire un tour sur les rives du Bosphore ("Highway to Constantinople") pour capter ce qui peut rapprocher mélopée yiddish et mélodies orientales...

Il peut aussi être amour, le Klezmer, parce qu'après tout  "Saving the World is Easy", et on se refuse absolument à croire Yom lorsqu'il nous lâche que ce sublime morceau transcendé par des accents au synthé miraculeusement eighties lui a été à la fois inspiré par Alain Souchon et Roland Barthes !!! Et nos merveilleux rabbins dans tout ça ? Eh bien comme prévu, ils n'ont pas été du tout sages, tout au long de cette soirée à la Maroquinerie, y compris lors du morceau qui leur était spécialement dédié, "Wonder Rabbis", qui commençait tout doux avant que soudain, surgisse la tornade...

Merveilleux rabbins, vraiment ? Rabbins sous acide, plutôt, aussi déjantés que leurs vieux potes dopés à Jefferson Airplane dans le film des frères Coën, "A Serious Man"... Avec Yom et ses Wonder Rabbis effectivement, le Klezmer n'est plus qu'une magistrale leçon de décollage vers de fabuleuses et planantes contrées. Yom  & The Wonder Rabbis à la Maroquinerie (c'était ce vendredi 15 avril) .

L'album "With Love" vient de sortir sur le label Buda