Wonder Wheel
Il fut adulé de son vivant, y compris pour des films bien flemmards. De son vivant, oui, puisque Woody Allen est désormais moribond sur le plan professionnel et que les abus sexuels qui lui sont reprochés par sa fille adoptive ont pris une toute autre résonance dans le climat actuel. Les dénégations répétées du cinéaste et l'absence de prolongement judiciaire, contrairement à l'affaire Polanski, n'y changent rien. Lâché par des comédiens jusque là silencieux et par des financiers soudainement épris de sursaut moral, le réalisateur de Crimes et délits doit à présent affronter des spectateurs qui, pour beaucoup d'entre eux, ne parviennent plus à voir ses films comme avant.
Autant dire que le scénario œdipien de Wonder Wheel risque de jeter un froid puisqu'il est question, ici, d'un forain excessivement attaché à sa fille menacée par des gangsters. De quoi irriter Kate Winslet, la 2e épouse du père. Déjà sujette aux affres de l'ennui conjugal, la voici prête à se consoler dans les bras d'un jeune romancier et maître-nageur joué par Justin Timberlake.
Le film est bien plus noir que son pitch. On ne rit pas, on ne rit plus. En cougar dépressive et tellement plus poignante que la Cate Blanchett de Blue Jasmine, Kate Winslet focalise l'attention au détriment des autres personnages, surtout masculins. Le Cosney Island des années 50 avec son ambiance plage, grande roue et jazz vintage participe du même faux-semblant. Textures acidulées, sous-texte anxiogène. Dans Wonder Wheel, le fantasme finit par se fracasser contre le réel. Reste à savoir si Woody Allen est le mieux placé pour filmer ce type de collision.
Wonder Wheel, Woody Allen (Sortie en salles ce 31 janvier)