Jeudi 8 novembre 2012 par Ralph Gambihler

Wind

Un vent d'automne est allé délayer la quête des origines à laquelle il avait consacré ses trois précédents albums. Un vieux film que la Cinémathèque lui a mis sous les yeux l'a conduit à aller voir ailleurs s'il y était. Un enregistrement de l'autre côté de l'Atlantique, enfin, l'a emmené au-delà d'un ego (ou plutôt d'un "moi profond", tant l'égocentrisme lui est à ce point étranger...) qu'Ibrahim Maalouf n'a pas toujours géré avec facilité malgré de de purs joyaux musicaux laissés au passage.

Avec "Wind", le voilà donc qui imbibe son "je" de trompette dans la ferveur collective d'une dream team de cadors comme seul New-York sait en fabriquer... Mark Turner aux saxophones, Larry Grenadier à la basse, Clarence Penn à la batterie... C'est  Byzance sur les rives de l'Hudson, ce quintette que complète le fidèle Frank Woeste au piano et aux arrangements ! C'est du jazz sur grand écran, surtout, puisque tout est parti de ce fameux film muet de René Clair que personne ne connaît mais dont le titre -"La Proie du Vent"- est déjà une belle invitation au voyage.

Et voilà comment, tel le Miles Davis d' "Ascenseur pour l'échafaud" auquel l'album est dédié, Ibrahim Maalouf invente une bande-son dont les titres de morceaux illustrent également son propre processus de création... "Doubts", "Suspiscions", "Surprises"... En retient-on déjà le top playlistable  "Questions & Answers" parce qu'on a finalement affaire, ici, à un album d'une fluidité exemplaire (La fameuse "ligne claire" dont parle par ailleurs l'ami Alex Duthil), et dans lequel le trompettiste trouverait  à la fois les questions et les réponses à son art ? S'accroche-t-on au contraire à "Waiting" dans la mesure où chez lui il n'y a rien de plus langoureux qu'une attente? Ou alors faut-il varier encore d'avantage les plaisirs avec cet "Excitement" qui entrechoque jouissivement rythmes bop et sonorités orientalisantes ?

Ce qui est sûr, en tous les cas, c'est que douceur, mélanges et exultation s'articulent ici avec bonheur, sans acrobaties surfaites et dans un esprit dont on devine qu'il pourrait éventuellement séduire ceux qui, jusqu'à présent, trouvaient trop d'accents World à cet univers en perpétuelle invention. Les anciens fans d'Ibrahim Maalouf, quant à eux, signeront encore une fois des deux mains à l'écoute de ce musicien décidé à ne se laisser enfermer nulle part...

"Wind", Ibrahim Maalouf (sur le label Mister Productions). Le trompettiste sera l'invité des Lundis du Duc, ce 12 novembre, au côté de son oncle, le romancier Amin Maalouf.