Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu
On est un peu désolé de l'écrire en ces termes, mais puisque depuis belle lurette Woody Allen n'est plus que l'ombre de lui même, on dira gentiment que ce nouvel opus n'est pas son plus mauvais film. On pourra même admettre ( si on met entre parenthèses le miraculeux "Vicky Cristina Barcelona") qu'on est plutôt, en ce qui concerne la décennie 2000/2010, dans un relatif bon cru avec ce "Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu" qui vagabonde ingénument dans la langueur londonienne...
Commençons quand même par ce qui fâche le plus : cette crise de jeunisme du personnage joué par Antony Hopkins avec renfort de Viagra pour mettre la main sur une jeune prostituée n'est pas du meilleur goût. L'argument était déjà à l'oeuvre l'année dernière dans l'insupportable "Whatever Works", où le cinéaste avait atteint le plancher en matière de manque de finesse et de philosophie à deux balles...
Plus globalement, Woody a de gros soucis avec les personnages de son âge: outre le rôle d' Hopkins, il faut aussi se farcir les délires de son ex-femme toute vermoulue qui consulte une voyante dont les pseudo-prédictions auront des conséquences sur tout le cercle familial... Tout ça semble bâclé, inachevé, et pour tout dire pas très intéressant. C'est lorsque le casting perd quelques rides que le propos, justement, se déride un peu, notamment à travers le couple en crise formé par Naomi Watts et Josh Brodin (qui jouait le meurtrier dans "Harvey Milk" de Sean Penn) : lui est un écrivain en panne qui tente d'oublier ses soucis en s'amourachant d'une jeune voisine en robe rouge (C'est Freida Pinto, rescapée de "Slumdog Millionnaire", qui illumine ce personnage), tandis qu'elle voudrait à la fois avoir un enfant, se libérer de sa mère envahissante, et nouer une torride "love affaire" avec le patron (Antonio Banderas) de la galerie d'art où elle bosse.
C'est dans ces eaux là que film trouve sa ligne de flottaison et le marivaudage son point de gravité. Un parfum de "Vicky Cristina Barcelona" s'immisce en pointillés, même si ce n'est qu'en pointillés... On rit aussi quelquefois, surtout avec le personnage de la pulpeuse prostituée incarnée par la bien nommée Lucy Punch... On fait notre petite moyenne, dans la tête, entre ce qui est réussi dans ce film et ce qui l'est moins, et puis finalement l'indulgence l'emporte, ne serait-ce que par la tonicité d'une bande originale à nouveau très inspirée: quelle belle mélancolie dans le phrasé de Léon Redbone lorsqu'il entonne "When You Wish Upon a Star" ! Comment se lasser du "If I Had You" tel que l'interprète Benny Goodman ? Jolie trouvaille également que ce "I'll See You In My Dreams" par le trio d'Eddy Lockjaw Davis... Au final, et au nom d'une certaine idée du swing et du bonheur que peut procurer à l'écran une personne comme mademoiselle Naomi Watts, on peut franchement plaider les circonstances atténuantes...
"Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu", de Woody Allen (Sortie en salles le 6 octobre)